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Les songes visionnaires d’Énoch [Ch 82-89]





Les songes visionnaires d’Énoch

Quatrième Section


CHAPITRE 82

1. Et maintenant, mon fils Mathusalem, je t’ai fait part de toutes les visions que j’ai vues avant toi. J’en eus encore deux autres avant de me marier, et l’une d’elles ne ressemblait pas à l’autre.

2. La première m’apparut pendant que j’étais occupé à lire ; et la seconde quelque temps avant d’épouser ta mère. C’étaient deux importantes visions.

3. Au sujet desquelles j’interrogeai le Seigneur.

4. Je reposais dans ma maison de mon aïeul Malaleel, et je vis le ciel brillant et radieux.

5. Et je me prosternai, et je vis la terre dévorée par un grand gouffre, et des montagnes suspendues au-dessus des montagnes.

6. Des collines tombaient sur les collines, les arbres les plus hauts se fendaient dans toute leur hauteur, et ils étaient précipités dans l’abîme et descendaient au fond.

7. A la vue de ce chaos, ma voix balbutiait. Je m’écriai : C’en est fait de la terre. Alors mon aïeul Malaleel me releva, et me dit : Pourquoi t’écries-tu, mon fils, pourquoi te lamentes-tu ?

8. Je lui racontai la vision que j’avais eue, et il me dit : Ce que tu as vu est grave, mon fils.

9. Et la vision que tu as eue est frappante ; elle se rapporte évidemment aux péchés de la terre, que l’abîme doit dévorer. Oui, il arrivera une grande catastrophe.

10. C’est pourquoi, ô mon fils, lève-toi et implore le Dieu de gloire, car tu es fidèle, et pour qu’il laisse quelques personnes sur la terre, et que les hommes ne périssent pas tous. Mon fils, la catastrophe viendra du ciel sur la terre ; et ce sera une grande ruine.

11. Alors je me levai et je suppliai le Seigneur ; j’écrivis mes prières pour les générations du monde, donnant à mon fils Mathusala toutes les explications qu’il pouvait désirer.

12. Et quand je fus sorti, et que j’eus vu le soleil se levant à l’orient, la lune descendant à l’occident, toutes les étoiles que Dieu a créées s’avançant majestueusement dans le ciel, alors je célébrai le Seigneur de toute justice, j’exaltai son Saint Nom, parce qu’il avait fait surgir le soleil aux fenêtres de l’orient ; il monte et s’élève à la face du ciel et il parcourt sa brillante carrière.


CHAPITRE 83

1. Et j’élevai les mains au ciel et je louai le Saint et le Très-Haut. Et j’ouvris la bouche, et me servant de la langue que Dieu a donnée à tous les enfants des hommes, pour servir d’instrument à leurs pensées, je le célébrai en ces termes :

2. Tu es béni, Seigneur, roi puissant et sublime, seigneur de toutes les créatures du ciel, Roi des rois, Dieu de tout l’univers, dont le règne, la domination et la majesté n’auront jamais de fin.

3. De siècle en siècle ton règne subsistera. Les cieux constituent ton trône à jamais, et la terre est ton marchepied d’éternité en éternité.

4. Car c’est toi qui les as faites, c’est toi qui les gouvernes. Rien ne peut se soustraire à ta puissance infinie. Avec toi la sagesse est immuable : elle veille sans cesse auprès de ton trône. Tu connais, tu vois, tu entends tout, rien ne peut se soustraire à ton puissant regard, car ton oeil est partout !

5. Voici les anges qui ont transgressé tes commandements ; et ta colère plane sur la chair de l’homme, jusqu’au grand jour du jugement.

6. Or, Seigneur, mon Dieu, roi puissant et clément, je t’implore, je te supplie ; exauce mes prières ; que ma postérité se perpétue sur la terre, que le genre humain ne périsse pas tout entier !

7. N’abandonne point la terre désolée, et qu’elle ne soit point détruite à jamais !

8.O Seigneur, extermine de la face de la terre la chair qui t’a offensé. Mais conserve la race des justes pour la perpétuer à jamais. O Seigneur ne détourne point ta face de ton serviteur.


CHAPITRE 84

1. Ensuite j’eus une autre vision, que je vais encore t’expliquer, ô mon fils. Et Énoch se leva et dit à son fils Mathusala : Laisse-moi t’entretenir, ô mon fils. Écoute la parole de ma bouche, et prête l’oreille à la vision et au songe de ton père. Avant d’épouser ta mère, j’eus une vision dans mon lit.

2. Voici un taureau sortant de la terre.

3. Et ce taureau était blanc.

4. Ensuite sortit une génisse, et avec elle deux jeunes veaux, dont l’un était noir et l’autre rouge.

5. Le noir frappa le rouge et le poursuivait par toute la terre.

6. Dès ce moment je m’aperçus plus le veau rouge ; mais le noir survint à une extrême vieillesse, et il y avait avec lui une génisse.

7. Ensuite je vis beaucoup de taureaux nés de ce couple, qui leur ressemblaient et qui les suivaient.

8. Et la première génisse sortit de la présence du premier taureau ; et elle chercha le veau rouge, mais elle ne le trouva point.

9. Et elle poussait des gémissements lamentables, en le cherchant.

10. Et elle continua ses cris jusqu’à ce que le taureau s’approcha d’elle ; dès ce moment elle cessa de se plaindre et de gémir.

11. Et puis elle mit au monde un taureau blanc.

12. Et après celui-ci beaucoup d’autres taureaux et d’autres génisses.

13. Je vis encore dans mon songe un boeuf blanc, qui grandit de la même manière, et finit par devenir un grand boeuf blanc.

14. Et de lui sortirent beaucoup d’autres boeufs qui lui étaient semblables.

15. Et ils commencèrent à produire d’autres boeufs blancs, qui leur étaient semblables, et ils se succédaient les uns aux autres.


CHAPITRE 85

1. Je levai encore les yeux, et je vis le ciel au-dessus de ma tête.

2. Et voici qu’une étoile tomba du ciel.

3. Et elle se dressait au milieu de ces taureaux et paraissait paître avec eux.

4. Ensuite je vis d’autres taureaux grands et noirs ; et voici qu’ils changeaient sans cesse de pâturages et d’étables, lorsque leurs jeunes veaux commencèrent à se lamenter avec eux ; et en regardant encore au ciel, je voyais beaucoup d’autres astres qui redescendaient et se précipitaient vers cette étoile unique.

5. Au milieu des jeunes veaux, les taureaux étaient avec eux et paissaient avec eux.

6. Je regardai et j’admirai ces choses, et voici que les taureaux commencèrent à entrer en feu et à monter sur les génisses ; celles-ci ayant conçu, mirent au monde des éléphants, des chameaux et des ânes.

7. Et les taureaux étaient épouvantés de cette génération monstrueuse, et aussitôt ils se mirent à les mordre et à les frapper de leurs cornes.

8. Et les éléphants dévorèrent les taureaux, et voici que tous les enfants de la terre frémissaient à ce spectacle et fuyaient épouvantés.


CHAPITRE 86

1. Je les regardai encore, et je les vis se frapper les uns les autres, se dévorer, et j’entendis la terre qui en gémissait. Alors je tournai une seconde fois mes regards vers le ciel, et dans une seconde vision, je vis sortir des hommes semblables à des hommes blancs. Il y en avait un, et trois autres qui l’accompagnaient.

2. Ces trois hommes qui sortirent les derniers, me prirent par la main, et m’élevant au-dessus de la terre et de ses habitants, me conduisirent dans un lieu élevé.

3. Et de là ils me montrèrent une haute tour environnée de collines plus basses ; et ils me dirent : Reste ici, jusqu’à ce que tu voies ce qui doit arriver par ces éléphants, ces chameaux et ces ânes, ces astres et toutes ces génisses.


CHAPITRE 87

1. Alors j’aperçus celui de ces quatre hommes blancs qui était sorti le premier.

2. Et il saisit la première étoile qui était tombée du ciel.

3. Et il lui lia les pieds et les mains, et la jeta dans une vallée, vallée étroite, profonde, horrible et ténébreuse.

4. Alors un des quatre tira un glaive et le donna aux éléphants, aux chameaux et aux ânes, qui commencèrent à s’en frapper mutuellement ; et toute la terre en frémit.

5. Et dans ma vision, voici : je vis un des quatre hommes qui étaient descendus du ciel, qui rassembla et saisit toutes les grandes étoiles, dont les parties sexuelles étaient semblables aux parties sexuelles des chevaux, et il les jeta toutes, pieds et mains liés, dans les cavernes de la terre.


CHAPITRE 88

1. Alors un des quatre hommes s’approcha des autres taureaux, et leur enseigna des mystères tels, qu’ils en tremblaient. Et un homme naquit, et il bâtit un grand navire. Il habitait dans ce navire, et avec lui trois taureaux et une couverture se fit au-dessus d’eux.

2. Je levai de nouveau mes regards au ciel, et j’aperçus une grande voûte ; et il y avait au-dessus sept cataractes qui versaient des torrents de pluie dans un village.

3. Je regardai encore, et voici que les fontaines de la terre se répandaient sur la terre dans ce village.

4. Et l’eau commença à tourbillonner et à monter sur la terre, en sorte que je ne pouvais plus apercevoir ce village, parce qu’il était tout couvert d’eau.

5. Il y avait en effet beaucoup d’eau, de ténèbres et de nuages ; et voici que la hauteur de l’eau surpassait la hauteur de tous les villages.

6. L’eau les couvrait en entier, et enveloppait la terre.

7. Et tous les taureaux qui y étaient réunis furent submergés et périrent dans les eaux.

8. Mais le navire flottait sur la surface de ces mêmes eaux. Cependant tous les taureaux, les éléphants, les chameaux et les ânes, et les troupeaux périssaient dans cette immense inondation ; ils disparaissaient engloutis, et je ne pouvais plus les voir dans l’abîme d’où ils ne pouvaient plus se retirer.

9. Je regardai encore, et voici les cataractes qui cessèrent de tomber d’en haut, et les fontaines de la terre de couler, et les abîmes s’entrouvrirent.

10. Et les eaux s’y précipitèrent, et la terre apparut.

11. Et le navire s’arrêta sur la terre, les ténèbres se dissipèrent et la lumière apparut.

12. Alors, le boeuf blanc, qui avait été fait homme, sortit de l’arche, et avec lui trois taureaux.

13. Et un des trois taureaux était blanc, et semblable à ce boeuf ; un autre était rouge comme du sang, et le troisième était noir ; et le taureau blanc se retira des autres.

14. Et les bêtes des champs, et les oiseaux commencèrent de se multiplier.

15. Et les différentes espèces de ces animaux se rassemblèrent, les lions, les tigres, les loups, les chiens, les sangliers, les renards, les chameaux et les porcs.

16. Les sirets, les milans, les vautours, les congas et les corbeaux.

17. Et parmi eux naquit un boeuf blanc.

18. Et ils commencèrent à se mordre les uns les autres ; et le boeuf blanc, qui était né parmi eux, engendra un onagre et un boeuf blanc, et ensuite plusieurs onagres. Et le boeuf blanc qui fut aussi engendré par lui, engendra à son tour un sanglier noir et une brebis blanche.

19. Le sanglier engendra beaucoup d’autres sangliers.

20. Et la brebis engendra douze autres brebis.

21. Quand ces douze brebis furent grandes, elles en vendirent une d’entre elles à des ânes.

22. Et les ânes vendirent la brebis à des loups.

23. Et elle grandissait parmi eux.

24. Alors le Seigneur amena les autres brebis pour habiter avec la première et paître avec elle au milieu des loups.

25. Et elles se multiplièrent, et leurs pâturages étaient en abondance.

26. Mais les loups commencèrent à les épouvanter et à les persécuter, et ils exterminaient leurs petits.

27. Et ils les placèrent dans les profondeur d’un grand fleuve.

28. Alors les brebis commencèrent à se lamenter à cause de la perte de leurs petits, et à se tourner vers leur Seigneur ; une d’elles cependant parvint à s’échapper et se retira parmi les onagres.

29. Et je vis les brebis gémissant, priant et implorant le Seigneur.

30. De toutes leurs forces, jusqu’à ce que le Seigneur descendît à leurs cris du haut de son séjour céleste et daignât les visiter.

31. Et il appela la brebis, qui avait échappé à la dent des loups, et lui enjoignit d’aller trouver ces loups meurtriers, et de les avertir de ne plus offenser les brebis.

32. Alors la brebis alla trouver les loups, forte de la parole du Seigneur, et une autre brebis vint au-devant de la première et marcha avec elle.

33. Et toutes deux étant entrées dans la demeure des loups leur défendirent de persécuter encore les brebis.

34. Ensuite je vis les loups opprimant de plus en plus le troupeau de brebis. Et les brebis crièrent encore vers le Seigneur, et le Seigneur descendit au milieu d’elles.

35. Et il commença à exterminer les loups, qui hurlaient ; mais les brebis gardaient le silence et ne poussaient plus de cris.

36. Et voici que je vis qu’elles émigrèrent du pays des loups. Les yeux de ces loups étaient aveuglés, et ils sortirent et ils poursuivirent les brebis de toutes leurs forces. Mais le Seigneur des brebis marchait avec elles et les conduisait.

37. Et toutes les brebis le suivaient.

38. Son visage était terrible ; son aspect brillant et magnifique. Cependant les loups commencèrent à poursuivre les brebis, jusqu’à ce qu’ils les eurent atteintes au bord d’une grande mer.

39. Alors la mer fut divisée, et les eaux se tinrent de chaque côté, comme un mur.

40. Et le Seigneur des brebis, qui les conduisait, se plaça entre elles et les loups.

41. Cependant les loups n’apercevaient point les brebis, mais ils les poursuivaient jusqu’au milieu de la mer, et alors les eaux se refermèrent derrière eux.

42. Mais dès qu’ils virent le Seigneur, ils se retournèrent pour fuir de devant sa face.

43. Mais alors les eaux se réunirent d’après les lois naturelles ; et elles engloutirent les loups. Et je vis tous ceux qui avaient poursuivi les brebis, submergés dans les flots.

44. Mais pour les brebis, elles passèrent la mer, et s’avancèrent dans ce désert qui n’avait ni arbre, ni eau, ni verdure. Et elles commencèrent à ouvrir les yeux et à voir.

45. Et je vis le Seigneur de ces brebis vivre avec elles, et leur fournir les eaux nécessaires,

46. Avec la brebis qui conduisait les autres.

47. Et cette brebis monta sur le sommet d’un rocher élevé, et le Seigneur des brebis l’envoya vers les autres.

48. Et je vis le Seigneur de ces brebis au milieu d’elles, et son visage était sévère et terrible.

49. Et dès qu’elles l’eurent aperçu, les brebis furent épouvantées.

50. Et toutes tremblantes elles envoyèrent la brebis qui les conduisait, et celle qui était avec elle et elles lui disait : Nous ne pouvons ni rester devant le Seigneur, ni le regarder en face.

51. Alors la brebis, qui les conduisait, remonta de nouveau sur le sommet de la montagne.

52. Et les autres brebis commencèrent à être aveuglées, et à s’égarer dans la voie que leur avait montrée la brebis. Mais celle-ci n’en savait rien.

53. Et le Seigneur était courroucé contre elles ; et quand la brebis apprit ce qui se passait au pied de la montagne,

54. Elles en descendit à la hâte, et s’étant approchée d’elles, elle en trouva beaucoup,

55.Qui étaient aveuglées,

56. Et qui avaient quitté leur voie. Et quand les autres brebis l’aperçurent, elle craignaient et tremblaient en sa présence.

57. Et elles désiraient revenir à leur étable.

58. Alors cette brebis, conduisant les autres brebis avec elle, s’approcha de celles qui s’étaient égarées,

59. Et elle commença à les frapper ; et elles étaient épouvantées en sa présence. Alors elle ramena au bercail celles qui s’étaient égarées.

60. Je vis aussi dans une vision, que cette brebis se faisait homme, et il bâtit au Seigneur une bergerie, et il les y établit.

61. Je vis encore tomber une brebis qui était venue au-devant de celle qui était le conducteur des autres. Je vis enfin périr un grand nombre d’autres brebis, leurs petits grandir à leur place, entrer dans un pâturage nouveau et venir au bord d’un fleuve.

62. Et la brebis qui les avait conduites et qui était devenue homme, se sépara d’elles et mourut.

63. Et toutes les brebis la cherchaient, et l’appelaient avec des cris lamentables.

64. Et je vis aussi qu’elles cessèrent de la pleurer, et qu’elles franchirent les eaux d’un fleuve.

65. Là s’élevèrent d’autres brebis, pour remplacer celles qui étaient mortes, et qui les avaient conduites auparavant.

66. Enfin je les vis entrer dans ce lieu fortuné, dans une terre de bénédiction et de joie.

67. Elles s’y rassasiaient ; et leurs bergeries étaient élevées sur cette terre bienheureuse, et leurs yeux étaient tantôt ouverts, tantôt aveuglés, jusqu’à ce qu’une brebis se levât au milieu d’elles, et les conduisît de telle sorte qu’elle les ramena toutes et leur ouvrit les yeux.

68. Mais les chiens, les renards et les sangliers commencèrent à les dévorer, jusqu’à ce qu’une autre brebis devint la ruine du troupeau, et le bélier qui les conduisit. Ce bélier commença en effet à frapper de ses cornes les chiens, les renards et les sangliers, et à les exterminer tous.

69. Mais la première brebis en ouvrant les yeux vit la gloire du bélier pâlir et s’éteindre.

70. Car il commença à frapper aussi les brebis, à les persécuter, et à oublier toute sa dignité.

71. Alors le seigneur envoya cette première brebis à une autre brebis, pour l’élever comme le bélier et le conducteur du troupeau en place de celle qui a terni sa gloire.

72. Elle y alla et lui parla et l’institua bélier ; et les chiens ne cessaient de vexer les brebis.

73. Et le premier bélier persécutait le second.

74. Alors celui-ci se leva, et s’enfuit de devant la face du premier bélier. Et je vis des chiens qui maltraitaient ce premier bélier.

75. Mais le second se leva, et il conduisait les jeunes brebis.

76. Et il engendra beaucoup d’autres brebis, mais enfin il succomba.

77. Et il eut pour successeur un jeune bélier qui devint le chef et le conducteur du troupeau.

78. Et sous lui, les brebis croissaient et se multipliaient.

79. Et tous les chiens, les renards et les sangliers le craignaient et fuyaient de devant lui.

80. Car ce bélier frappait et mettait en déroute toutes les bêtes féroces, en sorte qu’ils leur étaient désormais impossible d’opprimer les brebis ou d’en ravir une seule.

81. Et la bergerie devint grande et magnifique, et on y éleva une haute tour au moyen de ces brebis.

82. La bergerie était peu élevée, mais la tour était fort haute.

83. Et le Seigneur des brebis se plaça en cette tour, et voulut qu’on lui dressât une table magnifique.

84. Mais je vis bientôt que les brebis commencèrent à errer de nouveau, à suivre diverses routes et à abandonner leur bergerie.

85. Et le Seigneur en appela quelques-unes et les envoya vers les autres.

86. Mais celles-ci commencèrent à tuer les premières. Une d’elles cependant parvint à éviter le châtiment dont on la menaçait, et prenant la fuite, prêcha contre ceux qui voulaient la tuer.

87. Et le Seigneur des brebis la délivra de leurs mains, la fit monter et asseoir auprès de moi et y rester.

88. Il envoya encore à ces brebis prévaricatrices de ses commandements, d’autres brebis, pour avoir des témoins contre elles.

89. Je vis encore que ces brebis, en abandonnant le Seigneur, et la tour élevée en son honneur, erraient en aveugles en des régions inconnues.

90. Enfin je vis le Seigneur lui-même se venger, car il en faisait un grand carnage ; mais elles crièrent vers lui ; alors il abandonna son temple et les laissa en la puissance des lions, des tigres, des loups, des renards et de toute espèce de bêtes.

91. Et ces bêtes commencèrent à les déchirer.

92. Je vis aussi que le Seigneur, qu’elles avaient abandonné, les livrait à des lions féroces et cruels, et à toute espèce de bêtes.

93. Alors je criai de toutes mes forces, et j’implorai le Seigneur pour ces brebis que dévoraient toute espèce de bêtes féroces.

94. Mais il ne répondit point, et il regardait d’un oeil satisfait ces brebis qu’on dévorait, qu’on exterminait. Enfin il appela soixante-dix pasteurs et leur donna le soin de veiller sur le troupeau.

95. Et il leur dit : Que chacun de vous veille sur les brebis, et qu’il fasse ce que je lui commanderai ; je vous en donnerai à chaque un certain nombre à conduire.

96. Et celles que je vous dirai d’exterminer, vous les exterminerez ; et il les leur livra.

97. Alors il en appela un autre et lui dit : Comprends et fais attention à tout ce que les pasteurs feront à ces brebis ; car ils en feront périr beaucoup plus que je ne leur en désignerai.

98. Et toute transgression, tout meurtre que les pasteurs commettront, sera noté ; c’est-à-dire qu’il faudra indiquer celles qu’ils auront tuées par mon ordre, et celles qu’ils auront fait périr de leur propre autorité.

99. Tout meurtre commis par les pasteurs leur est compté. Ne manque donc pas d’écrire combien de brebis ils auront fait périr de leur propre autorité, combien ils en auront livré au supplice, afin que ce compte soit contre eux un témoignage, que je sache tout ce qu’ils auront fait ; s’ils ont exécuté mes ordres, ou s’ils ont négligé de les accomplir.

100. Mais qu’ils ignorent ce que je te commande ; ne leur ouvre point les yeux ; ne leur donne point d’avertissement ; mais compte avec soin tous les meurtres qu’ils commettront, et donnes-en-moi une connaissance exacte. Et je vis comment ces pasteurs gouvernaient le troupeau chacun son temps. Et ils commencèrent à tuer plus de brebis qu’ils n’en devaient faire périr.

101. Et ils abandonnèrent les brebis dans la puissance des lions, en sorte que plusieurs d’entre elles furent dévorées par les lions et par les tigres ; et que les sangliers se jetèrent sur elles, brûlèrent la tour consacrée au Seigneur et détruisirent la bergerie.

102. Et je fus bien chagrin de l’incendie de cette tour, et de la ruine de la bergerie.

103. Car ensuite il me fut impossible de la voir.

104. Quant aux pasteurs et leurs complices, ils livraient eux-mêmes les brebis à toutes les bêtes féroces, pour les faire dévorer. Chacune d’elles leur était livrée à son tour, et en son temps. Or, chacune aussi était inscrite dans un livre ; et toutes celles qui périssaient y étaient soigneusement notées.

105. Cependant chaque pasteur en faisait périr bien plus qu’il ne le devait.

106. Alors je commençai à pleurer et à m’indigner sur le sort misérable de ces brebis.

107. Et je vis dans ma vision comment celui qui écrivait, notait jour après jour les meurtres commis par les pasteurs ; comment il monta, se présenta au Seigneur des brebis et lui donna le livre qui renfermait le compte exact de tout ce que les pasteurs avaient fait, la note de tous ceux qu’ils avaient fait périr.

108. Et de tout le mal qu’ils avaient commis.

109. Et le livre fut lu devant le Seigneur des esprits, qui, étendant la main, le signa et puis le déposa.

110. Ensuite je vis comment les pasteurs avaient l’empire pendant douze heures.

111. Et voici que trois de ces brebis revenues de la captivité, retournèrent et rentrèrent dans le lieu de la bergerie, et commencèrent à relever tout ce qui y avait été détruit.

112. Mais les sangliers les en empêchaient, mais leurs efforts étaient inutiles.

113. Et les brebis continuèrent à édifier, comme auparavant, et relevèrent la tour qu’on nomma la tour haute.

114. Et ils recommencèrent à placer une table devant la tour, mais le pain qu’ils y placèrent était impur et pollué.

115. De plus, toutes les brebis étaient aveuglées ; elles ne pouvaient voir, pas plus que les pasteurs.

116. Les pasteurs les livraient aussi pour les faire périr en grand nombre.

117. Mais le Seigneur des brebis se taisait, et toutes les brebis furent entraînées. Pasteurs et brebis, tout était confondu, et nul ne les défendait des attaques des bêtes sauvages.

118. Alors celui qui écrivait le livre, monta et le remit au Seigneur des brebis. Mais en même temps il le pria pour elles, en portant témoignage contre les pasteurs qui les avaient fait périr. Et après avoir déposé le livre, il s’en alla.


CHAPITRE 89

1. Et je remarquai comment trente-sept pasteurs reprirent soin du troupeau jusqu’à ce que chacun disparût à son tour, comme les premiers. Alors les brebis furent confiées à d’autres pasteurs, qui les gardèrent chacun un certain temps.

2. Puis j’aperçus dans ma vision tous les oiseaux du ciel qui accouraient, les aigles, les milans et les corbeaux. Et les aigles conduisaient tous les autres.

3. Et ils commencèrent à dévorer les brebis, à leur crever les yeux avec leurs becs, et à se nourrir de leur chair.

4. Et les brebis poussaient des cris lamentables, de se sentir ainsi dévorer.

5. Et je criais aussi, et je gémissais dans mon sommeil contre le pasteur chargé de la garde du troupeau.

6. Et je vis les brebis dévorer par les chiens, par les aigles et les vautours. Leur chair, leur peau, leurs muscles, tout était consommé ; il ne leur restait que les os, qui tombaient à terre. Et le nombre des brebis diminuait considérablement.

7. Et je vis ensuite vingt-trois pasteurs placés à la tête du troupeau, et dont les temps respectifs accumulés forment cinquante-huit âges.

8. Alors les agneaux furent mis au monde par les brebis blanches, et ils commencèrent à ouvrir les yeux et à voir, et à appeler leurs mères.

9. Mais les brebis ne les regardaient pas, n’écoutaient point leurs plaintes ; mais elles étaient sourdes, aveugles et endurcies.

10. Et j’aperçus dans ma vision les corbeaux qui s’abattaient sur ces agneaux.

11. Qui les saisissaient, et qui dévoraient les brebis après les avoir déchirées.

12. Je vis aussi les cornes de ces agneaux s’accroître, mais les corbeaux cherchaient à les ébranler.

13. Voici enfin qu’une grande corne poussa sur la tête d’une de ces brebis, et les yeux de toutes les autres furent ouverts.

14. Et la première les regardait, et leurs yeux furent ouverts, et elle les appelait.

15. Les boeufs la voyant, se précipitèrent sur elle.

16. Cependant les aigles, les milans, les corbeaux et les vautours continuèrent à persécuter les brebis, volant sur elles et les dévorant. Et les brebis se taisaient, mais les boeufs se lamentaient et poussaient des gémissements.

17. Alors les corbeaux luttèrent avec elle.

18. Cherchant à briser la corne, mais leurs efforts étaient inutiles.

19. Et je regardai jusqu’à ce que vinrent les pasteurs, les aigles, les milans et les vautours,

20. Qui poussaient les corbeaux à briser la corne de ce boeuf, et qui combattaient avec lui. Mais il soutenait leur choc et demandait du secours.

21. Alors je vis venir l’homme qui avait inscrit les noms des pasteurs, et qui était monté en la présence du Seigneur des brebis.

22. Il vint porter du secours au boeuf, et annonça à tous qu’il était venu porter du secours au boeuf.

23. Et voici que le Seigneur des brebis descendit enflammé de colère, et tous ceux qui l’aperçurent s’enfuirent. Les autres se prosternèrent dans son tabernacle, et les aigles, les milans, les corbeaux et les vautours se réunirent et entraînèrent avec eux toutes les brebis des champs.

24. Tous se réunirent et cherchèrent à briser la corne du boeuf.

25. Alors je vis l’homme qui écrivait par l’ordre du Seigneur, prendre le livre de la destruction accomplie par les douze derniers pasteurs, et il prouva qu’ils avaient fait périr plus de monde que ceux qui les avaient précédés.

26. Je vis encore venir à eux le Seigneur des brebis, tenant en sa main le sceptre de sa colère, en frapper la terre, qui s’entrouvrit, et les bêtes et les oiseaux du ciel cessèrent de persécuter les brebis, et tombèrent dans les gouffres béants de la terre, qui se referma sur eux.

27. Je vis aussi donner une grande épée aux brebis, qui poursuivaient à leur tour les bêtes sauvages, et les exterminaient.

28. Mais toutes les bêtes et tous les oiseaux du ciel se retirèrent de devant leur face.

29. Et je vis un trône élevé dans une région fortunée,

30. Sur lequel siégeait le Seigneur des esprits, qui prit tous les livres,

31. Et les ouvrit.

32. Alors le Seigneur appela les sept premiers hommes blancs, et leur ordonna d’amener la première étoile, qui avait précédé toutes les autres, dont les parties sexuelles étaient semblables aux parties sexuelles des chevaux, qui enfin était tombée la première, et tous l’amenaient devant lui.

33. Et il dit à l’homme qui écrivait en sa présence, et qui était un des sept hommes blancs : Prends ces soixante dix pasteurs, auxquels j’ai confié les brebis, et qui en ont fait périr beaucoup plus que je ne l’avais ordonné. Et voici ; je les vis enchaînés et debout devant lui. Et on commença par juger les étoiles, et elles furent reconnues coupables, et amenées au lieu du jugement ; et on les jeta dans un lieu profond, et rempli de flammes. Ensuite les soixante-dix pasteurs furent jugés et reconnus coupables ; ils furent également précipités dans l’abîme enflammé.

34. Dans le même temps, je vis au milieu de la terre un abîme rempli de feu.

35. C’est là qu’étaient conduites les brebis aveugles, qui avaient été jugées coupables ; toutes, elle étaient précipitées dans ce gouffre de feu.

36. Et ce gouffre se trouvait situé à la droite de cette bergerie.

37. Et je vis les brebis brûler et leurs os consumés par le feu.

38. Et je me tenais debout, considérant comment cette antique bergerie fut détruite ; mais auparavant on en avait enlevé les colonnes, l’ivoire et toutes les richesse qu’elle renfermait, et on les avait amoncelées dans un lieu situé à l’orient.

39. Je vis aussi le Seigneur des brebis élever une maison plus grande et plus haute que la première, et la bâtir dans le même endroit où avait été la première. Toutes ses colonnes étaient neuves, l’ivoire neuf, et en plus grande quantité qu’auparavant.

40. Et le Seigneur des brebis habitait à l’intérieur. Et toutes les bêtes sauvages, tous les oiseaux du ciel s’inclinèrent devant les brebis qui restaient et les adorèrent, leur adressèrent des prières, en leur obéissant en toutes choses.

41. Alors les trois hommes, qui étaient revêtus de blanc, et qui me prenant par la main m’avaient fait monter, m’enlevèrent encore, et me placèrent au milieu des brebis, avant le commencement du jugement.

42. Les brebis étaient toutes blanches, la laine longue et pure de toute tache. Et toutes celles qui avaient péri ou qu’on avait exterminées, toutes les bêtes sauvages, tous les oiseaux du ciel se réunirent dans cette maison, et le Seigneur des brebis tressaillait d’allégresse de voir rentrer les brebis au bercail.

43. Et je vis qu’elles déposaient l’épée qui leur avait été donnée, qu’elles la reportaient dans la bergerie, et la scellaient en présence du Seigneur.

44. Les brebis étaient enfermées dans la maison, qui avait peine à les contenir toutes. Et leurs yeux étaient ouverts, et elles contemplaient le Bon, et il n’en était pas une parmi elles qui ne l’aperçût.

45. Je vis aussi que la maison était grande et large, et pleine de monde. Et voici qu’il naquit un veau blanc, dont les cornes étaient grandes, et toutes les bêtes sauvages, tous les oiseaux du ciel l’adoraient et l’imploraient incessamment.

46. Alors je vis leur nature à tous se transformer, et ils devenaient des veaux blancs.

47. Et le premier d’entre eux fut fait Verbe, et le Verbe devint un grand animal, et il portait sur sa tête de grandes cornes noires.

48. Et le Seigneur des brebis se réjouissait à la vue de tous ces veaux.

49. Et moi qui m’étais prosterné, je fus réveillé, mais je conservais la mémoire de tout ce que j’avais vu. Telle est la vision qui m’apparut pendant mon sommeil. Je célébrai à mon réveil le Seigneur de toute justice, et je lui en rendis toute la gloire.

50. Ensuite je répandis beaucoup de larmes, et elles coulaient sans s’arrêter par le souvenir de ce que j’avais vu. Car toutes ces choses s’accompliront et toutes les actions des heureux se manifesteront en leur temps.

51. Et je pensai la nuit au songe que j’avais eu, et je pleurai amèrement, plein de trouble encore de la vision que j’avais eue.


Suite du livre d'Enoch ici :

Le Livre d’Enoch partie 5 ☞ 






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