LES ACTES DE PIERRE ET DES DOUZE APÔTRES
(NH VI, 1)
Traduction de Victor Ghica
[Telles sont les pa]roles que [ . . . . . . . . . . . . . . ] à moi . . . [ . . . . . . . . . . . . . . ] . . Il a[rriv]a l[orsque nous fûmes envo]yés a[fin de . . ] [ . . . N]ous, les apôtres, [pft . . . . . . . ] . [ . . ] . naviguâmes . . . [ . ] . . [ . . . . ] du corps avec d’[autr]es à l’esprit inquiet, mais, dorénavant, nous fûmes unanimes.
Nous convînmes d’accomplir le service auquel nous destina le Seigneur. Et nous prîmes mutuellement un engagement. Nous nous rendîmes à la mer à un moment opportun qui pour nous survint du fait du Seigneur. Nous trouvâmes un bateau amarré au rivage prêt pour appareiller et nous parlâmes avec les marins du bateau pour embarquer avec eux. Eux, de leur côté, ils montrèrent une grande courtoisie envers nous selon ce qui avait été déterminé par le Seigneur.
Et il arriva que, après avoir appareillé, nous naviguâmes durant un jour et une nuit. Après quoi un vent poussa le bateau et nous échoua sur une petite ville sise au milieu de la mer.
Quant à moi, Pierre, je me renseignai sur le nom de cette ville auprès des gens du lieu en question, qui se tenaient debout sur le quai. [L’un] d’[eux] répondit [en ces termes : « Le nom de] cette v[ille est : “Demeure, c’est]-à-dire reste ferm[e en en]du[ran]ce et . [ . . . . . . ] ton diri[g]eant qui est e[n toi . . . ] la branche de palmier du cœur . [ . . . . . ]” »
Et il arriva que, après que nous fûmes all[és avec le] bagage au rivage, je par[tis] vers [la] ville pour chercher . . . [ . . . . . ] un logement. Un homme sortit portant un l[i]n[g]e serré autour de sa taille, ayant une ceinture d’or serrée sur lui ainsi qu’un voile noué autour de [s]a poitrine, remontant sur ses bras et recouvrant sa tête et ses mains.
Je regardais l’homme, car il était beau par son aspect et son maintien. Ce sont quatre parties de son corps que je vis : les plantes de ses pieds, une partie de sa poitrine, la paume de ses mains et son visage. Telles sont les choses que je pus voir. Alors qu’il avait un étui à livres comme ceux de [mes] livres dans sa main gauche, il avait un bâton en bois d’aliboufier dans sa main droite. Sa voix résonnait et allait se renforçant lorsqu’il parlait et s’écriait dans la ville : « Perle ! Perle ! »
Quant à moi, je pensais qu’il était un ho[mme de] cette ville-là. Je lui dis : « Mon frère et mon ami ! » [Il] me [répondit à son tour en ces termes : « C’est à bon esci]ent que tu as di[t : “Mon frère et m]on ami !”. Qu’[attends-tu de] moi ? » Je lui [d]is : « [Je] t’[interroge au sujet d’u]n logement, m[o]i [ainsi que mes] frères, puisque n[ou]s sommes [é]trangers en ce lieu. » Il me dit : « C’est pour cela que je t’ai dit précédemment [moi]-même : “Mon frère et mon am[i] !”, 10 car moi aussi, je suis avec toi et comme toi étranger. »
Et lorsqu’il eut dit ces choses, il s’écria : « Perle ! Perle ! ». Les riches de la ville en question entendirent sa voix. Ils sortirent de leurs magasins cachés et d’autres regardaient depuis les magasins de leur(s) maison(s). D’autres (encore) regardaient depuis leurs fenêtres hautes. Et ils ne virent rien chez lui, parce qu’il n’avait pas de besace sur l’épaule, ni il y avait d’aumônière dans son linge et dans le voile. Et à cause de leur mépris ils ne s’enquirent même pas de lui.
Quant à lui, il ne se révéla pas à eux. Ils retournèrent à leurs magasins en disant : « Cet homme se gausse de nous. »
Et les pauvres [de la ville en] question entendirent [sa voix et vinrent à] l’homme q[ui vendait cette perle. Ils lui dirent] : « Donne-toi la peine de [nous montrer] [la] perle, [afin qu’]au moins [nous la voyions] de nos yeux. Car nous sommes [pauvres] et nous n’avons point [tant d’ar]gent à payer pour elle.
Mais m[ontre(-la) nous] pour que nous disions à nos amis q[ue nous avons vu] une perle de nos yeux. » Il répondit en leur disant : « Si cela est possible, venez dans ma ville, afin que non seulement je la montre à vos yeux, mais (aussi) que je vous la donne gratuitement. » Et les pauvres de la ville en question, pour leur part, entendirent et dirent : « Puisque nous sommes des mendiants et que nous savons que personne ne donne une perle à un mendiant, mais que c’est du pain et un statère que l’on reçoit d’habitude, dès lors la charité que nous voulons recevoir de toi (c’est) que tu montres la perle à nos yeux.
De là nous dirons à nos amis avec fierté que nous avons vu une perle de nos yeux, car on n’en trouve pas chez des pauvres, surtout pas des mendiants de pareille espèce. » Il répondit en leur disant : « Si cela est possible, venez vous-mêmes dans ma ville, afin que non seulement je vous la montre, mais (aussi) que je vous la donne gratuitement. »
Les pauvres et les mendiants se réjouirent de quelqu’un [qui donne gra]tuitement.
[Les hommes se renseignèrent au sujet] des épreuves d[u chemin . . . . ]. P[ie]rre [prit] la parole [ . . . . . ] . . [ . . ] les choses q[u]’il avait entendues à propos de ce chemin, car ce sont des gens qui peinent dans leur service. Il dit à l’homme qui vendait sa perle : « Je veux savoir ton nom et les épreuves du chemin vers ta ville puisque nous sommes étrangers et serviteurs de Dieu. Il nous faut diffuser la parole de Dieu dans chaque ville de concert. » Il répondit en disant : « Si tu cherches mon nom, Lithargoël est mon nom, dont l’interprétation est “la pierre légère de gazelle”. Et quant à la route vers la ville, au sujet de laquelle tu m’as interrogé, je te l’indiquerai. Personne n’est capable de marcher sur le chemin en question, sauf quelqu’un qui renonce à tout ce qui lui appartient et qui jeûne quotidiennement de halte en halte. D’autant que nombreux sont les brigands et les bêtes sauvages sur le chemin en question.
Quiconque porte du pain avec lui sur la route, les chiens noirs le tuent à cause des pains. Quiconque porte un habit précieux (provenant) du monde, les brigands le tuent [à cause de l’h]abit. Q[uiconque porte] de l’e[a]u [sur lui, les l]oups [le tuent à] cause [de l’eau dont] ils étaient assoiffés. [Quiconque] se soucie des [viandes] et [des lé]gumes verts, les li[ons le ma]ngent [à] cause des viandes. [S’]il échappe aux lions, les taureaux l’avalent à cause des légumes verts. »
Quand il m’eut dit [ce]s choses, je soupirai en moi-même en disant : « Il y a de grandes épreuves sur la route ! Si seulement Jésus nous donnait la force de la parcourir ! » Il vit que mon visage était triste et que je soupirais. Il me dit : « Pourquoi soupires-tu ? Si tu connais vraiment ce nom “Jésus” et que tu crois en lui, c’est une grande force qui donne de la force. D’autant que moi aussi, je crois au Père, celui qui l’a envoyé. »
Je répondis en lui demandant : « Quel est le nom du lieu auquel tu te rends, et quelle est ta ville ? » Il me dit : « Tel est le nom de ma ville : “Dans neuf portes rendons gloire à Dieu, tout en étant conscients que la dixième est le sommet.” »
Après cela je le quittai en paix. Étant sur le point d’appeler mes compagnons, je vis des vagues et de grandes et hautes murailles entourant les limites de la ville. Je m’émerveillai devant les grandes choses que je voyais.
Je vis un vieillard assis et je l’interrogeai sur le nom de la ville : était-il véritablement son nom [celui qu’]il [lui donna en l’appelant] « De[meure, persévère dans l’enduran]ce » ? Il me dit : [« . . . . . . av]ec raison, car nous h[abitons . . ] parce que [nous] persévérons dans ces lieux. » [Je répo]ndis en disant : « [C’est aussi pour cela que] les gens l’ont, à juste titre, appelée [“la pre]mière”, puisque par quiconque endure les épreu[v]es des villes sont habitées et un royaume inestimable vient par eux, car ils font preuve d’endurance au milieu des vagues et des difficultés des tempêtes. De façon à ce que, ainsi, la ville de quiconque supporte le labeur du joug de sa foi soit habitée et que, lui, il soit compté au Royaume des cieux. »
Je me dépêchai d’aller appeler mes compagnons afin de nous rendre à la ville que lui, Lithargoël, nous avait assignée comme terme. Par le lien de la foi, nous renonçâmes à tous les biens, comme il avait dit. Nous échappâmes aux brigands parce qu’ils ne trouvèrent point leur habit chez nous. Nous échappâmes aux loups parce qu’ils ne trouvèrent pas chez nous l’eau dont ils étaient assoiffés. Nous échappâmes aux lions parce qu’ils ne trouvèrent pas le désir des viandes chez nous. [Nous échappâmes aux taureaux . . . . . . . . . . . . ] . . . [ . . . . . . . . parce qu’ils ne trouvèrent pas] les légumes verts.
Une grande joi[e vint sur] nous [ainsi qu’une] pai[sible] insoucian[ce . . . . ] . [ . ] . notre Seigneur. Nous no[us reposâmes] devant la porte et [nous commençâmes à] discuter entre nous [mais non à la mani]ère d’une distraction de ce mo[nde]-ci ; plutôt nous persévérâmes dans la [mé]ditation de la foi.
Tandis que nous évoquions les brigands sur la route auxquels nous avions échappé, voilà que vint Lithargoël, changé par rapport à nous, de l’aspect d’un médecin, ayant une boîte à médecine sous son bras et un jeune apprenti le suivant, lequel portait un coffret plein de médicaments. Nous, nous ne le reconnûmes pas.
Pierre prit la parole en lui disant : « Nous voulons que tu nous fasses une faveur, puisque nous sommes étrangers : conduis-nous à la maison de Lithargoël avant que le soir ne tombe. » Il dit : « Franchement, je vous la montrerai. Cependant je m’étonne : comment avez-vous connu cet homme bon ? Car s’il ne se montre pas à quiconque, c’est parce qu’il est le fils d’un grand roi. Reposez-vous un peu pour que je puisse aller soigner cet homme et revenir ! »
Il se pressa et il revint [v]ite. Il dit à [P]ierre : « [P]ierre ! » Et Pierre fut épouvanté, car comment a-t-il su son nom à lui, Pierre ? Pierre répondit au Sauveur : « Comment me connais-tu, car tu as prononcé mon nom ? » Lithargoël répondit : « Je veux te demander qui t’a donné le nom de Pierre ? » Il lui dit : « C’est Jésus-Christ, le fils du Dieu vivant. C’est lui qui m’a donné ce nom. » Il répondit en disant : « C’est moi ! Reconnais-moi, Pierre ! » Il se dépouilla de l’habit qui le couvrait, celui par lequel il s’était transformé devant nous. Nous ayant révélé que c’était lui en vérité, nous nous prosternâmes sur le sol et l’adorâmes — nous comptions onze disciples.
Il étendit la main et nous fit nous lever.
Nous parlâmes avec lui humblement.
Nos têtes étaient courbées avec modestie et nous dîmes : « Ce que tu souhaites, nous le ferons. Mais donne-nous le pouvoir de faire toujours ce que tu souhaites. » Il leur donna la boîte à médecine et le coffret qui était dans la main du jeune homme. Il les exhorta de la sorte, en disant : « Allez à [la] ville d’où vous êtes venus, celle qu’on appelle “Demeure, persévère dans l’endurance”, enseignant tous ceux qui ont cru en mon nom, parce que j’ai enduré les épreuves de la foi. Moi, je vous donnerai votre récompense.
Les pauvres de la ville en question, donnez-leur le nécessaire pour qu’ils en vivent jusqu’à ce que je leur donne ce qui est choisi, ce dont je vous ai dit que je vous le donnerai gratuitement. » Pierre répondit en lui disant : « Seigneur, tu nous as enseigné à renoncer au monde et à tout ce qui lui appartient. Nous y avons renoncé pour toi. La nourriture d’un seul jour est ce qui nous soucie. Où pourrons-nous trouver le nécessaire que tu nous demandes de donner aux pauvres ? »
Le Seigneur répondit en disant : « Ô Pierre, il était nécessaire que tu comprennes la parabole que je t’ai dite ! Ne comprends-tu pas que mon nom, celui que tu enseignes, dépasse toute richesse et que la sagesse de Dieu dépasse l’or, l’argent et la pierre de grande valeur ? »
Il leur donna le coffret aux médicaments et dit : « Guérissez tous les malades de la ville, ceux qui croient [en] mon nom ! » Pierre eut peur [de] lui répondre une [d]euxième fois. Il fit signe à celui qui était à côté de lui, à savoir Jean : « Parle, toi, cette fois ! » Jean répondit en disant : « Seigneur, nous avons peur devant toi de dire beaucoup de paroles. Mais c’est toi qui nous demandes de pratiquer cet art. On ne nous a pas enseigné à être médecins.
Comment alors saurions-nous guérir des corps selon la méthode que tu nous as dite ? » Il lui répondit : « Tu avais bien dit, Jean : “Je sais que les médecins de ce monde, ce sont les choses qui appartiennent au monde qu’ils guérissent. Les médecins des âmes, eux, c’est le cœur qu’ils guérissent.” Guérissez, donc, d’abord les corps afin qu’à travers les pouvoirs effectifs de la guérison de leurs corps, sans médicaments de ce monde-ci, ils croient à votre sujet que vous avez pouvoir de guérir également les maladies des cours.
Les riches de la ville, eux, ceux qui n’ont même pas jugé bon de s’enquérir de moi, mais qui se sont réjouis dans leur richesse et leur mépris — avec de tels gens, donc, ne mangez pas dans [l]eu[r] mai[son], ni ne soyez amis avec eux, de peur que leur partialité ne vous affecte.
Car beaucoup ont fait preuve de partialité à l’égard des riches, parce qu’eux aussi, ils pèchent dans les assemblées et donnent l’occasion à d’autres de le faire. Mais jugez-les avec droiture, pour que votre service soit louangé et que, moi aussi, mon nom soit glorifié dans les assemblées. »
Les disciples répondirent en disant : « Oui, vraiment, c’est ce qu’il est convenable de faire. » Ils se prosternèrent sur le sol et ils l’adorèrent. Il les fit se lever et il les quitta en paix.
Amen.
Les Actes de Pierre et des douze apôtres
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