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L’exégèse de l'âme

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Bibliothèque Copte



L’EXÉGÈSE DE L’ÂME
(NH II, 6)

Traduction de Jean-Marie Sevrin


L’Exégèse de l’âme.

Les sages qui nous ont précédés ont nommé l’âme d’un mot féminin, et dans la réalité aussi, elle est femme par sa nature ; elle est même dotée d’une matrice.

Aussi longtemps qu’elle est seule auprès du Père, elle est vierge et de forme androgyne ; mais lorsqu’elle tomba dans un corps et vint en cette vie, elle tomba au pouvoir de nombreux brigands et les violents se la passèrent l’un à l’autre et la [souillèrent]. Certains la prirent par violence, d’autres en la séduisant par un cadeau illusoire. Bref, elle fut souillée et [perdit sa] virginité. Elle se prostitua dans son corps et se livra à tout le monde, pensant que celui auquel elle va s’enlacer est son mari.

Après qu’elle se fut livrée à des amants adultères, violents et infidèles pour qu’ils usent d’elle, elle sanglota beaucoup et se repentit. À nouveau, après s’être détournée de ces amants, elle court vers d’autres qui, comme des maîtres, la forcent à habiter avec eux et à les servir dans leur lit. À cause de la honte, elle n’ose plus les quitter, car ils lui font illusion comme s’ils étaient de vrais maris fidèles qui la respecteraient beaucoup. Et à la fin de tout cela, ils la quittent et s’en vont.

Elle, alors, devient veuve, pauvre, abandonnée, sans secours, sans même une oreille pour (l’écouter et la) sortir de son affliction, car elle n’a tiré d’eux que les souillures qu’ils lui ont transmises en s’unissant à elle. Ceux qu’elle a engendrés des adultères sont sourds et aveugles, débiles et faibles d’esprit.

Mais si le Père d’en haut la visite, qu’il abaisse sur elle son regard et la voie sangloter à cause de ses passions et de sa disgrâce, se repentir de la prostitution à laquelle elle s’est livrée et commencer à invoquer son nom pour qu’il la secoure [sanglotant] de tout son cœur en disant : « Sauve-moi, mon Père ! Car vois : je vais te confesser [que j’ai quitté] ma maison et me suis enfuie de ma chambre virginale. Tourne moi à nouveau vers toi ! » ; s’il la voit dans cette disposition, il la jugera digne de miséricorde, car nombreuses sont les afflictions qui ont fondu sur elle parce qu’elle a quitté sa maison.

Or au sujet de la prostitution de l’âme, l’Esprit Saint prophétise en de nombreux endroits.

Il dit en effet dans le prophète Jérémie : « Si un mari renvoie sa femme et qu’elle va en prendre un autre, retournera-t-elle vers lui désormais ? Ne s’est-elle pas souillée de souillure, cette femme-là ? Toi, tu t’es prostituée avec de nombreux bergers et tu es revenue vers moi, dit le Seigneur. Lève les yeux sur ce qui est droit et vois où tu t’es prostituée. Ne t’asseyais-tu pas dans les rues, souillant la terre de tes prostitutions et de tes forfaits, et n’as-tu pas accueilli de nombreux bergers pour ta chute ? Tu t’es conduite sans pudeur avec chacun. Tu ne m’as pas appelé comme chef de famille ou comme père et protecteur de ta virginité ».

Il est encore écrit dans le prophète Osée : « Venez, entrez en procès avec votre mère, car elle ne sera pas ma femme, et moi je ne serai pas son mari.

J’ôterai sa prostitution de devant moi et j’ôterai son adultère d’entre ses seins. Je la laisserai nue comme au jour de sa naissance, je la rendrai désolée comme une terre sans eau, et je la rendrai stérile par [soif]. Je n’aurai pas pitié de ses enfants, car ce sont des enfants de prostitution, puisque leur mère s’est prostituée et a [transmis la honte à ses enfants]. Car elle a dit : “Je me prostituerai avec mes amants, ceux-là qui me donnaient mon pain, mon eau, mes manteaux, mes vêtements, mon vin, mon huile et tout ce qu’il me faut”. À cause de cela, voici : je vais les enfermer pour qu’elle ne puisse courir après ses amants ; et si elle les cherche et ne les trouve pas, elle dira : “Je vais retourner chez mon premier mari, car j’avais en ces jours-là ce qu’il faut plus que maintenant”. »

Il dit encore en Ézéchiel : « Il advint, après beaucoup de forfaits, dit le Seigneur, que tu t’es construit un bordel ; tu t’es fabriqué un lieu de plaisir sur les avenues, tu t’es construit des bordels dans toutes les rues, tu as détruit ta beauté, tu as écarté les jambes dans toutes les rues et tu as multiplié ta prostitution. Tu t’es prostituée avec tes voisins les fils d’Égypte aux grandes chairs ». Or qui sont les fils d’Égypte aux grandes chairs, sinon les réalités charnelles et sensibles, et les affaires terrestres par lesquelles l’âme s’est souillée en ces lieux en recevant d’elles le pain, en recevant le vin, en recevant l’huile, en recevant le vêtement et toute autre vanité extérieure ayant trait au corps : ce qu’elle pense qu’il lui faut.
C’est de cette prostitution dont les Apôtres du Sauveur ont proclamé : « Gardez-vous en, purifiez-vous en ! », ne parlant point de la seule prostitution du corps, mais plutôt de celle de l’âme. C’est pour cela que les Apôtres écrivent [à l’Église] de Dieu afin que de telles [choses] n’arrivent pas en [elle]. 

Mais le grand [combat] porte sur la prostitution de l’âme ; c’est d’elle que la prostitution du corps vient aussi. C’est pourquoi Paul, écrivant aux Corinthiens, dit : « Je vous ai écrit dans ma lettre : ne vous mêlez pas aux prostituées — nullement aux prostituées de ce monde, ou aux cupides ou aux voleurs ou aux idolâtres —, car autrement il vous faudrait sortir du monde ». Voilà comment il parle dans un sens spirituel, car « notre combat n’est pas contre la chair et le sang », ainsi qu’il l’a dit, « mais contre les maîtres cosmiques de cette obscurité et les éléments spirituels du mal ».

Aussi longtemps donc que l’âme court ça et là, s’unissant à ceux qu’elle rencontre et se souillant, elle est sujette à la souffrance de ce qu’elle mérite de subir ; mais si elle prend conscience des maux dans lesquels elle se trouve, qu’elle pleure vers le Père et qu’elle se repente, alors le Père lui fera miséricorde. Il détournera sa matrice des réalités extérieures et la retournera à l’intérieur : l’âme recœuvrera sa disposition propre. Car il n’en va pas ici comme pour les femmes. 

Les matrices corporelles en effet sont à l’intérieur du corps comme les autres entrailles, tandis que la matrice de l’âme est tournée vers l’extérieur, tout comme les organes virils sont à l’extérieur. 

Si donc par la volonté du Père, la matrice de l’âme se tourne vers l’intérieur, elle est baptisée et aussitôt purifiée de la souillure extérieure qui fut imprimée sur elle, de même que les vê[tements quand ils sont] tachés sont mis à l’[eau] et retournés jusqu’à ce que soient enlevées leurs taches et qu’ils soient purifiés. Or la purification de l’âme est de recœuvrer à l’[état neuf] son organe premier et de se retourner. 

C’est cela son baptême.

Alors elle commencera à s’irriter contre elle-même comme celles qui accouchent, au moment de mettre au monde l’enfant, se tournent contre elles-mêmes avec irritation. 

Mais, puisqu’elle est femme, elle ne peut engendrer seule. Le Père lui a envoyé du ciel son mari, qui est son frère premier-né. Alors l’époux descendit vers l’épouse. Elle quitta sa prostitution première, elle se purifia des souillures des amants adultères et se renouvela dans l’état d’épousée. Elle se purifia dans la chambre nuptiale, elle la remplit de parfum ; elle s’y assit en guettant l’époux véritable. 

Elle ne court plus sur la place publique, s’unissant à qui elle veut, mais elle est restée à guetter le jour où il viendra, en le redoutant car elle ne connaissait pas son aspect. Elle ne se le rappelle plus depuis le temps où elle est tombée de la maison de son Père. Mais, par la volonté du Père, elle a rêvé de lui comme une femme amoureuse d’un homme. 

Alors l’époux, selon la volonté du Père, descendit vers elle dans la chambre nuptiale préparée et orna la chambre nuptiale. Ce mariage en effet n’est pas comme le mariage charnel : ceux qui se sont unis sont comblés par cette union, ils abandonnent comme des fardeaux les tourments du désir et ne se [séparent] pas l’un de l’autre. Mais ce mariage n’est [pas ainsi] ; mais s’ils atteignent à l’union [mutuelle], ils deviennent une seule vie.

C’est pourquoi le prophète dit du premier homme et de la première femme : « ils deviendront une seule chair ». Ils étaient en effet unis l’un à l’autre au commencement auprès du Père, avant que la femme n’égare l’homme qui est son frère. Ce mariage les a réunis à nouveau et l’âme s’est unie à son bienaimé véritable, son seigneur naturel, selon qu’il est écrit : « car le seigneur de la femme est son mari ». Elle le reconnut peu à peu et elle se réjouit à nouveau, pleurant en sa présence au souvenir du déshonneur de son veuvage antérieur, et elle se para davantage pour qu’il lui plaise de demeurer près d’elle.

Or le Prophète dit dans les Psaumes : « Écoute, ma fille, vois, tends l’oreille, oublie ton peuple et la maison de ton père, car le roi a désiré ta beauté, car c’est lui ton seigneur. » Il exige d’elle en effet qu’elle détourne son visage de son peuple et de la foule de ses amants adultères au milieu desquels elle était auparavant. Elle est attentive à son seul roi, son seigneur naturel, elle oublie la maison du père terrestre auprès duquel elle était dans une condition misérable, et elle se souvient de son Père qui est aux cieux. C’est ainsi encore qu’il fut dit à Abraham : « Sors de ta terre, de ta parenté et de la maison de ton père. »

Ainsi, après que l’âme se fut parée en sa beauté, elle se complut [à nouveau] en son bien-aimé, et lui aussi l’aima ; et lorsqu’elle se fut unie à lui, elle reçut de lui la semence qui est l’esprit vivifiant, pour faire de bons enfants de lui et les nourrir. Voilà en effet la grande et parfaite merveille de la génération, en sorte que ce mariage est accompli par la volonté du Père.

Or il convient que l’âme s’engendre elle-même et revienne à son état premier. L’âme se meut donc d’elle-même et a reçu du Père le divin pour qu’elle se renouvelle afin d’être ramenée là où elle était à l’origine. C’est la résurrection d’entre les morts, c’est le rachat de l’emprisonnement, c’est l’ascension pour monter au ciel, c’est le chemin pour monter vers le Père. 

C’est pourquoi le Prophète dit : « Mon âme, bénis le Seigneur, et tout ce qui est en moi, son saint nom. Mon âme, bénis Dieu qui a pardonné tous tes péchés, qui a guéri toutes tes maladies, qui a sauvé ta vie de la mort, qui t’a couronnée de miséricorde, qui rassasie de biens ton désir ; ta jeunesse se renouvellera comme celle d’un aigle. » Lors donc qu’elle se sera renouvelée, elle s’élèvera, bénissant le Père et son frère par qui elle a été sauvée. C’est ainsi que l’âme sera sauvée par la régénération. 

Cela ne se produit pas par des paroles d’ascèse, ni par des techniques, ni par des enseignements écrits, mais c’est la grâce du [Père], mais c’est le don [spirituel de la vérité], car cette œuvre en effet est une opération de l’[Esprit]. C’est pourquoi le Sauveur s’écrie : « Personne ne pourra venir à moi si mon Père ne le tire et ne le mène à moi ; et moi-même je le ressusciterai au dernier jour. »

Il nous faut donc prier le Père et crier vers lui de toute notre âme, non des lèvres extérieures mais de l’esprit intérieur issu de la profondeur : sangloter, nous repentir de la vie que nous avons menée, confesser nos péchés, prendre conscience de l’erreur vaine dans laquelle nous étions, et du vain empressement, pleurer la façon dont nous étions dans les ténèbres et la tempête, nous lamenter sur nous-mêmes pour qu’il nous fasse miséricorde, nous haïr tels que nous sommes maintenant. Le Sauveur dit encore : « Heureux les affligés, car c’est à eux qu’il sera fait miséricorde. Heureux les affamés, car c’est eux qui seront rassasiés. » Il dit encore : « Si quelqu’un ne hait pas son âme, il ne pourra pas me suivre. » Car le commencement du salut est le repentir. 

C’est pourquoi avant que ne paraisse le Christ vint Jean, prêchant le baptême du repentir. Or le repentir advient dans le chagrin et l’affliction. Mais le Père est philanthrope et bon, il écoute l’âme qui l’invoque et il lui envoie la lumière salutaire. 

C’est pourquoi il dit par l’esprit du Prophète : « Dis aux enfants de mon peuple : si vos péchés s’étendent de [la terre jusqu’au] ciel, s’ils sont rouges comme l’écarlate et noirs plus que la toile de sac, [si] vous vous tournez vers moi de toute votre âme et me dites : “mon Père !”, je vous écouterai comme un peuple saint. » Ailleurs encore : « Ainsi parle le Seigneur, le Sain d’Israël : si tu te convertis et si tu sanglotes, alors tu seras sauvé et tu sauras où tu étais le jour où tu as cru aux vanités. » Il dit encore ailleurs : « Jérusalem en pleurs a pleuré : “Aie pitié de moi !” Il aura pitié de la voix de tes larmes, et lorsqu’il a vu, il t’a écoutée. 

Et le Seigneur vous donnera du pain d’affliction et de l’eau d’oppression. Ils ne t’approcheront plus désormais, ceux qui t’égarent ; tes yeux verront ceux qui t’égarent. »

C’est pourquoi il faut prier Dieu nuit et jour, tendant nos mains vers lui comme ceux qui naviguent en pleine mer prient Dieu de tout leur cour, sans hypocrisie parce que ceux qui prient hypocritement se trompent eux-mêmes, car Dieu sonde les reins et examine le fond du cœur pour savoir qui est digne du salut. Personne en effet n’est digne du salut s’il aime encore le lieu de l’erreur.

C’est pourquoi il est écrit dans le Poète qu’Ulysse était assis sur l’île, en larmes et affligé, détournant son visage des paroles de Calypso et de ses tromperies, dans le désir de voir son village et une fumée qui s’en élève. Et à moins [d’avoir reçu un] secours du ciel, [il n’aurait pu rentrer] dans son village.

De même aussi [Hélène] dit : « Mon cœur en moi s’est retourné, je veux revenir à ma maison. » Elle sanglotait en effet, disant : « C’est Aphrodite qui m’a trompée. Elle m’a enlevée de mon village. Ma fille unique, je l’ai abandonnée, avec mon mari bon, sage et beau. » 

Si l’âme en effet abandonne son mari parfait à cause de la tromperie d’Aphrodite — celle qui réside en ce lieu dans le processus de génération —, alors elle subira des dommages, mais si elle sanglote et qu’elle se repente, alors elle sera ramenée vers sa maison.

Aussi bien Israël ne fut d’abord visité pour être emmené de la terre d’Égypte, de la maison d’esclavage que parce qu’il sanglota vers Dieu et pleura sur l’oppression de ses œuvres. 

Il est encore écrit dans les Psaumes : « J’ai beaucoup peiné en mes sanglots ; chaque nuit je baignerai mon lit et ma couche de mes larmes. J’ai vieilli parmi tous mes ennemis. Éloignez-vous de moi, vous tous qui faites œuvre de transgression, car voici que le Seigneur a entendu le cri de mes larmes, le Seigneur a entendu ma prière. »

Si nous nous repentons vraiment, Dieu nous écoutera, lui qui est longanime et grandement miséricordieux, lui à qui est la gloire pour les siècles des siècles. Amen.

L’Exégèse de l’âme.


W.K.P
Apocryphes Qumran. Fr

 








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