LIVRE DES SECRETS DE JEAN
(BG, 2 ; NH III, 1)
Traduction de Bernard Barc
Il arriva, pendant l’un de ces jours où Jean, frère de Jacques, — ce sont les fils de Zébédée — était monté (à Jérusalem), [10] qu’étant monté au Temple, un
pharisien du nom d’Arimanias s’approcha de lui et lui dit :
« Où est ton maître, celui que tu suivais ? »
(Jean) lui dit : [15] « Il est retourné dans le lieu d’où il était
venu. »
(Le pharisien) lui dit : « Ce Nazôréen vous a fait errer dans l’erreur et vous a rempli les oreilles de [mensonges]. [20] Il a fermé [vos cœurs et] vous a
détournés des traditions de vos pères. »
Lorsque j’entendis ces propos, je me détournai [5] du Temple, (me dirigeant) vers la Montagne, vers un lieu désert. Je m’affligeais beaucoup et je disais :
« Comment le Sauveur a-t-il donc été mandaté ? Pourquoi a-t-il été envoyé dans le monde [10] par son père qui l’a envoyé ? Qui est son père ? Et de quelle
nature est cet éon vers lequel nous irons ? Il nous a dit [15] que cet éon (où nous sommes) avait reçu la figure de cet éon incorruptible (où nous irons), mais ne
nous a pas instruits de ce dernier en nous disant de quelle nature il était ? »
À cet instant, alors que je réfléchissais à cela, [20] les cieux s’ouvrirent, la création entière fut illuminée par une lumière (qui apparut) en [dessous des] cieux
et le monde [entier fut ébranlé]. Je fus effrayé et [je me prostern]ai. Et voici que m’[apparut] un enfant. [5] Mais [il changea] son aspect, (prenant) celui d’un
vieillard en qui [se trouvait] de la lumière. [Je regard]ai, mais sans [comprendre] ce prodige. S’agissait-il d’une [apparence] ayant des formes multiples [10] [dans la] lumière (et) dont les formes [avaient été manifestées] les unes par les [autres comme] si elle était une ? [(Mais alors) comment] avait-elle trois
aspects ?
Il me [dit] :
« Jean, [15] pour[quoi] doutes-tu et [es-tu effrayé] ? Tu n’es [pas] étranger à [cette ap]parence. Ne sois pas pusil[lanime]. Je suis avec [vous en] tout
temps. Je suis [20] [le Père], je suis la Mère, je suis [le F]ils. Je suis celui qui existe éternellement, celui qui est sans souil[lure et sans] mélange. [Je suis
venu] maintenant t’instruire [de ce] qui est, de ce [qui a] été [5] et de ce qui doit [ad]venir afin que tu [connaisses] les choses invisibles comme [les] choses
visibles, et [t’instruire] aussi au sujet de [l’Homme] parfait.
[10] « Maintenant donc lève ton [visage], écoute et [ . . . ce que] je te dirai aujourd’hui [afin de] le proclamer toi-même [à ceux] qui partagent le même Esprit que
toi, (eux) qui sont [issus de] [15] la génération inébran[lable de] l’Homme parfait. »
(Et comme) j’[interrogeai] afin d’accéder à la pensée, il me dit :
« [la Mona]de étant une monarchie, aucun pouvoir ne s’exerce sur elle (qui est) le di[eu et] [20] père de toutes choses, [le] saint, l’invisible [établi] au-dessus de toutes choses, [établi] dans son incorruptibilité, [établi dans] la lumière pure qu’une
lumière oculaire ne peut percevoir. (La Monade) est l’Esprit.
« Il n’est (cependant) pas convenable de concevoir (cet Esprit) comme dieu ou en des termes [5] similaires, car il est plus qu’un dieu, il est un pouvoir au
dessus duquel n’existe aucun pouvoir puisque personne n’existe avant lui.
« Il n’a pas non plus besoin de ceux-là (les éons qui viennent après lui) : il n’a pas besoin de Vie, [10] car il est éternel. Il n’a pas besoin de quoi que ce soit, car
il est imperfectible, dans la mesure où il n’a pas de déficience qui le rende perfectible. Il est au contraire totalement parfait en tout temps. Il est lumière.
[15] « Il est l’illimité car nul n’existe avant lui pour le limiter. Il est l’indistinct car nul n’existe avant lui pour lui imposer une distinction. Il est l’incommensurable
car personne [20] d’autre ne l’a mesuré, qui existe avant lui. Il est l’invisible car nul ne l’a vu, lui cet éternel toujours existant. Il est l’indicible car nul n’existe
qui l’appréhende de façon à le dire. Il est l’innommable car [5] il n’est personne qui existe avant lui pour le nommer.
« Il est la lumière incommensurable, sans mélange, sainte, pure, indicible, parfaite et incorruptible.
« Il n’est ni [10] perfection, ni béatitude, ni divinité, mais quelque chose de supérieur à ces (notions). Il n’est ni illimité ni limité, [15] mais quelque chose de
supérieur à ces (notions), (car) il n’est ni corporel, ni incorporel, ni grand, ni petit, ni une quantité, ni une créature.
« Nul ne peut non plus le [20] penser, puisqu’ il n’est rien de ce qui existe, mais est quelque chose de supérieur à ces (notions), non du fait qu’il possèderait une
supériorité, mais [25] comme s’il était sa propre possession.
« Il ne fait pas partie des éons ; le temps n’existe pas pour lui. Si quelqu’un, en effet, fait partie d’un éon, c’est que d’autres ont [5] préparé (cet éon) pour lui. Et
le temps ne (lui) a pas été imposé comme limite puisqu’il n’a pas reçu d’un autre qui (le) limite. Et il est sans besoin (car) il n’y a absolument personne avant
lui.
« C’est en [10] s’adressant à lui-même ses demandes, dans la plénitude de la lumière, qu’il lumière sans mélange, la grandeur incommensurable.
(C’est ainsi qu’il est) l’Éon (car) le dispensateur d’éon, la lumière, [15] (car) le dispensateur de lumière, la vie, (car) le dispensateur de vie, le bienheureux, (car)
le dispensateur de béatitude, la connaissance, (car) le dispensateur de connaissance. (Il est) en tout temps le bien, (car) le dispensateur de bien, le faiseur
de bien, [20] non à la mesure de ce qu’il possède mais à la mesure de ce qu’il dispense. (Il est) la grâce qui dispense grâce, la lumière incommensurable.
« Que te dirai-je au sujet de cet être insaisissable ? Qu’il ressemble à la lumière. C’est dans la mesure où j’ai la capacité de le comprendre ! — car qui
pourra jamais le comprendre — [5] que je pourrai en parler avec toi.
« Son éon est incorruptible, en quiétude, se reposant en silence. Existant avant toutes choses, il est la tête de [10] tous les éons, car sa Bonté dispense tous
les éons, si (toutefois) il existe un autre (attribut) auprès de lui. Aucun d’entre nous en effet n’a connaissance de ce qui concerne cet incommensurable
hormis celui qui a habité en lui. C’est lui qui nous en a parlé.
[15] « C’est lui, (l’Esprit), qui se pense lui-même dans sa propre lumière qui l’entoure. C’est lui qui est la source d’eau vive, la lumière pleine de pureté. La
source de [20] l’Esprit s’écoula, venant de l’eau vive de la lumière. Et [il] organisa tous les éons et leurs ordres. En toutes formes il pensa sa propre image
en la voyant dans l’eau de lumière pure qui l’entoure.
[5] « Et son Ennoia devint une œuvre, se manifesta et se tint devant lui dans le flamboiement de la lumière. Elle est la puissance manifestée antérieurement à
toutes choses.
[10] « Elle est la Pronoia de toutes choses qui brille dans la lumière, l’image de l’Invisible.
Elle est la puissance parfaite, Barbélô, [15] l’éon parfait de gloire qui glorifie (l’Esprit) pour l’avoir manifestée.
Et quand elle le pense, elle est Prôtennoia, son image.
« Elle devint (ainsi) [20] un Homme primordial qui (n’)est (autre que) l’Esprit virginal triple mâle à la triple puissance, au triple nom, éon non vieillissant, (car)
androgyne sorti de la Pronoia (de l’Esprit).
« Et [5] Barbélô demanda à (l’Esprit) que soit donnée la prescience. Il fit un signe d’assentiment. Lorsqu’il eut fait un signe d’assentiment Prescience se
manifesta, se tint auprès [10] d’Ennoia qui s’identifie à Pronoia, glorifiant l’invisible ainsi que la puissance parfaite, Barbélô, car c’est par son
intervention qu’elle est venue à l’existence.
« À nouveau cette puissance, (Barbélô), demanda que lui soit donnée [15] l’incorruptibilité. Et il fit un signe d’assentiment. Lorsqu’il eut fait un signe
d’assentiment, Incorruptibilité se manifesta. Elle se tenait auprès d’Ennoia et de Prescience, (et) elles glorifiaient l’invisible (Esprit) [20] et Barbélô car c’est par
son intervention qu’elles sont venues à l’existence.
« Elle demanda (enfin) que lui soit donnée la vie éternelle. Il fit un signe d’assentiment. Lorsqu’il eut fait un signe d’assentiment, Vie-éternelle se
manifesta. Et elles se tenaient (là) [5] glorifiant (l’Esprit) ainsi que Barbélô puisque c’est par l’intervention de celle-ci qu’elles sont venues à l’existence, par la
manifestation de l’invisible Esprit.
« Telle est la pentade des éons du Père qui s’identifie à [10] l’Homme primordial. (Telle est) l’image de l’Invisible qu’est Barbélô associée à Ennoia, Prescience,
Incorruptibilité et Vie-éternelle. [15] Telle est la pentade androgyne qui constitue la décade des éons du Père.
« Barbélô regarda intensément vers [20] la lumière pure. [30] Elle entoura celle-ci (et) enfanta une étincelle de lumière qui ressemble à la lumière bienheureuse,
mais qui ne lui était pas égale en grandeur.
« C’est [5] le Monogène manifesté par le Père, le Dieu autogène, le Fils premier engendré de tous ceux (qui appartiennent) au Père, la lumière pure.
« Alors [10] le grand Esprit invisible se réjouit à cause de la lumière qui avait été manifestée par la première puissance, sa Pronoia, Barbélô. Et il [15] oignit ce
(Fils) de sa Bonté/Messianité, afin qu’il devienne parfait et qu’il soit sans besoin étant devenu bon/Christ, puisqu’il l’a oint de la Bonté/Messianité que
l’invisible Esprit a versée sur lui. Et [20] (le Fils) reçut l’onction de l’Esprit virginal et se tint en sa présence glorifiant -l’invisible Esprit ainsi que celui par qui
il a été manifesté.
[5] « Et (le Fils) demanda que lui soit donné un partenaire, l’intellect. L’invisible Esprit fit un signe d’assentiment. (Alors) Intellect se manifesta (et) se tint auprès
de lui ainsi que de Bonté/Messianité, glorifiant (l’invisible Esprit) ainsi que Barbélô. [10]
« Toutes (les œuvres qui précèdent) ont été produites dans un silence associé à Ennoia.
« (Alors) L’invisible Esprit voulut faire une œuvre au moyen d’une parole. Sa Volonté devint une œuvre. Elle se manifesta (et) se tint avec Intellect [15] et la
lumière, le glorifiant. La parole suivit Volonté, car c’est par la parole que le Christ a créé toute chose, (lui) le Dieu autogène.
« (Quant à) Vie-éternelle et [20] Volonté (d’une part) et Intellect et Prescience d’autre part, ils se tinrent (là) glorifiant l’invisible Esprit ainsi que Barbélô car
c’est d’elle qu’ils sont issus.
« Le grand Esprit invisible conféra la perfection au Dieu [5] autogène, Fils de Barbélô, pour qu’il se tienne auprès de grand Esprit invisible. (Il est) le Dieu
autogène, le Christ, que [10] (l’Esprit) a honoré d’un grand honneur parce qu’il était issu de sa Prôtennoia. Il est celui que l’invisible Esprit a établi comme Dieu
sur toute chose, Dieu [15] véritable.
« (L’Esprit) lui donna toute autorité et fit en sorte que la vérité qui est en lui-même fut mise à la disposition de ce (Dieu véritable), afin qu’il pense toute chose
lui dont le nom ne sera dit qu’à ceux qui en sont dignes.
« C’est de [20] la lumière qu’est le Christ et d’Incorruptibilité, par le don de l’Esprit invisible, que la tétrade des grandes lumières fut manifestée hors du Dieu
autogène afin de l’assister.
« La triade est (composée de) Volonté, [5] Ennoia et Vie.
« La tétrade, quant à elle, est (composée de) Grâce, Compréhension, Perception (et) Intelligence.
« Grâce est avec la première lumière, Armozel, l’ange [10] (qui est) dans le premier éon, et avec lui sont trois éons : Grâce, Vérité, et Forme. La deuxième
lumière, Oroïael est celle qu’il a établie sur le deuxième éon ; [15] avec elle sont trois éons qui sont Pronoia, Perception et Mémoire. La troisième lumière,
Daveïthé, a été établie sur le [20] troisième éon ; avec elle sont trois éons qui sont Compréhension, Amour et Apparence. Quant à la quatrième Lumière,
Éléleth, elle a été établie sur le quatrième éon ; [5] avec elle sont trois éons qui sont Perfection, Paix et Sophia.
« Telles sont les quatre lumières qui se tiennent auprès du Dieu autogène, les [10] douze éons qui assistent l’enfant, le grand Christ autoengendreur, par le don
et le bon plaisir de l’invisible Esprit. Ceux-ci sont les douze éons qui appartiennent au Fils [15] autoengendré. C’est par la volonté de l’Esprit Saint que toutes
choses ont été affermies par l’Autogène.
« De la Prescience [20] de l’Intellect parfait, par le don et le bon plaisir du grand Esprit [invi]sible et en présence de l’Autogène, l’Homme parfait véritable (qui
fut) le premier [5] manifesté fut appelé du nom d’Adamas. (Et) il fut installé dans le premier éon de (l’Autogène), près du grand Dieu, Autoengendreur, le Christ,
dans le premier éon, auprès d’Armozel [10] accompagné de ses puissances. Et l’Esprit invisible lui donna une puissance intellectuelle invincible.
« (L’Homme parfait) dit (alors) :
« Je (te) glorifie et (te) bénis, Esprit invisible : [15] (car) c’est par toi que tout est venu à l’existence et en vue de toi que tout
(existe). Je te bénis, en m’associant à l’Autogène et à l’Éon, (toi qui es) triade, Père, Mère et Fils, [20] puissance parfaite ! »
« Et (l’Homme parfait) installa son fils Seth sur le deuxième <éon près de la deuxième> Lumière Oroïael. Dans le troisième éon fut installée la semence de
Seth — les âmes des saints [5] qui étaient dans l’Éon — auprès de la troisième lumière, Daveïthé. Dans le quatrième éon enfin furent installées les âmes de
ceux qui ont eu connaissance de leur plénitude et [10] n’ont pas été prompts à se repentir, mais sont restés temporairement (dans cet état) puis se sont
finalement repentis. C’est auprès de la quatrième lumière, Éléleth, que ceux-là resteront, rassemblés en ce lieu, [15] glorifiant l’invisible Esprit.
« Donc, notre consœur Sophia étant un éon, pensa une pensée issue d’elle-même et en accord avec la réflexion de l’Esprit et avec Prescience. [20] Elle voulut
manifester la ressemblance (de cette pensée) qui lui est propre sans que l’Esprit ait manifesté son bon plaisir, sans même qu’il ait fait un signe
d’assentiment, sans même que son conjoint, [5] le virginal Esprit mâle, ait donné son consentement.
« C’est donc sans avoir cherché l’assentiment de son conjoint, qu’elle consentit (à son propre projet) sans le bon plaisir de l’Esprit et sans que celui qui parle
d’une seule voix avec elle n’en ait eu connaissance [10] s’élançant au dehors à cause de l’impétuosité qui est en elle.
« Sa réflexion ne pouvait demeurer improductive, aussi son œuvre, (l’Archonte), sortit-elle, imparfaite, ne possédant pas une forme conforme à la forme de
(Sophia), [15] parce qu’elle l’avait faite sans son conjoint, ne possédant pas (non plus) la figure (de Sophia, lui qui est) dans l’apparence de la Mère.
« (Sophia) vit cette (œuvre, présente) dans son conseil, alors qu’elle [20] était devenue une autre forme, avec une face de serpent et une face de lion et des yeux illuminant comme un feu. Alors elle chassa cette (œuvre) loin d’elle, hors de ces lieux, afin qu’aucun des immortels ne la [5] voit, parce qu’elle l’avait
enfantée dans (un état) d’ignorance.
« Elle jumela à son (œuvre) une nuée lumineuse, (et) plaça au milieu de la nuée un trône afin que [10] nul ne voit (cette œuvre) excepté l’Esprit Saint que l’on
nomme Mère de tous les vivants. Et (Sophia) lui donna le nom de Yaldabaôth. Il est le Premier [15] Archonte, celui qui a pris beaucoup de puissance à la Mère.
« Il s’écarta d’elle, s’éloigna d’un lieu vers un lieu (qui est) à l’intérieur de l’endroit dans lequel il avait été enfanté, s’empara d’un autre lieu et se créa un
éon flamboyant d’un feu lumineux, celui dans lequel il se tient maintenant.
« Alors il [5] s’accoupla avec sa propre déraison et engendra les autorités qui lui sont subordonnées, douze anges affectés chacun à son éon (conçu) d’après
la figure des éons [10] incorruptibles.
« Et (les autorités) créèrent pour elles-mêmes sept anges et ces anges, trois puissances, de sorte que le total de ceux qui lui sont subordonnés est de trois
cent [15] soixante êtres angéliques, associés à sa triple puissance (elle-même conçue) à la ressemblance de la première figure qui existe avant lui.
« Les autorités ont été manifestées par l’Engendreur en chef, premier Archonte des ténèbres et de l’ignorance. Aussi bien, ces autorités partagent-elles
l’ignorance de celui qui les a engendrées.
« Voici leurs noms : Le [5] premier (nom) est Yaôth. Le deuxième est Hermas, l’œil du feu. Le troisième est Galila. Le quatrième est Ybêl Le cinquième est
Adonaïos. [10] Le sixième est Sabaôth. Le septième est Kaïnan et Kaê, celui que l’on nomme Kaïn, c’est-à-dire le soleil. Le huitième est Abiressiné. [15] Le
neuvième est Yôbêl. Le dixième est Harmoupiael. Le onzième est Adônin. Le douzième est Bélias.
« Toutes ces (autorités) possèdent d’autres noms [20] qui leur viennent du désir associé à la colère. Bref, toutes celles-ci, leurs noms sont doubles ; ceux
dont elles sont (habituellement) nommées leur viennent de ces gloires d’en haut, [5] (mais) ce sont ceux dont elles ont été nommées conformément à la vérité
qui manifestent leur nature.
« Et Saklas les a appelées de leurs (différents) noms en fonction de (son) imagination et de leur puissance. Par ces noms [10] glorieux (les hommes)
s’éloignent et s’affaiblissent. Par (les autres), au contraire, ils acquièrent puissance et croissent.
« Et (Saklas) ordonna que sept (autorités) règnent sur les cieux et cinq [15] sur le Chaos infernal.
« Les noms de gloire des (autorités) qui (dominent) sur les sept cieux sont les suivants : Le premier est Yaôth, face de lion. Le deuxième est Élôaïos, face [20] d’âne. Le troisième est Astophaïos, face de hyène. Le quatrième est Yaô, face de serpent à sept têtes. Le cinquième est Adonaïos, face de dragon. Le
sixième est [5] Adôni, face de singe. Le septième est Sabbataïos, face de flamme de feu lumineux. Telle est l’hebdomade du Sabbat ! Tels sont (les autorités)
qui gouvernent le [10] monde !
« Quant à Yaldabaôth-Saklas, lui qui a une forme multiple de sorte qu’il se manifeste lui-même en tout visage en fonction de son désir, il a réparti entre ces
(autorités une portion) de son propre feu [15] mais de la lumière pure de la puissance qu’il a dérobée à la Mère, il ne leur en a pas donné.
« C’est pour cette raison qu’il a été pour eux Seigneur, à cause de la gloire lumineuse de la puissance de la Mère qui est en lui. C’est (aussi) pour cette
raison qu’il s’est lui-même nommé “Dieu” sur ces (autorités), se montrant (ainsi) désobéissant [5] envers l’origine qui est la sienne.
« Et (Saklas) jumela aux autorités sept puissances. Par sa parole elles existèrent. Et il leur donna un nom. Il [10] installa les autorités en commençant par la
plus élevée.
« La première (puissance) donc est Pronoia, auprès de la première (autorité), Yaôth ; la deuxième est Divinité, auprès de la [15] deuxième, Élôaios ; la
troisième est Messianité, auprès de la troisième, Astaphaïos ; la quatrième est Jalousie, auprès de la quatrième, Yaô ; la cinquième est [20] Royauté, auprès de
la cinquième, Sabaôth ; la sixième est Com[préhension, au]près de la sixième, Ad[ôni] ; la septième est Sophia, auprès de la septième, Sabbataïos.
[5] « Ces (puissances) possèdent un firmament correspondant à chaque ciel et un éon conçu à la ressemblance des éons primordiaux, comme la figure des
(éons) incorruptibles.
« (L’Archonte) vit (donc) [10] la création qui est au-dessous de lui ainsi que la foule des anges qui sont au-dessous de lui (et) sont issus de lui. Il leur dit :
« Je
suis un Dieu jaloux ! [15] En dehors de moi il n’en existe point d’autre ! » Par là, il signifie aux anges qui sont au-dessous de lui qu’un autre Dieu existe, car s’il
n’en existait pas d’autre de qui serait-il jaloux ?
« La Mère commença alors à être portée (car) elle perçut sa déficience due au fait que son conjoint n’avait pas parlé d’une seule voix avec elle lorsqu’elle
avait été blâmée [5] par sa plénitude. »
Et moi, (Jean), de dire :
« Seigneur ! que signifie : “être porté ?” »
Lui alors rit (et) dit :
« Penserais-tu que ce soit dans le sens où l’a dit Moïse, (qu’elle était
portée) [10] au dessus des eaux ? Non ! mais voyant la malice et la révolte qui adviendraient par son fils, elle se repentit. Et faisant un va-et-vient dans les
ténèbres [15] de l’ignorance, elle commença à avoir honte. Mais ne s’aventurant pas à l’extérieur, elle fait un va-et-vient. Son aller et sa venue c’est (ce que
signifie) “être porté”.
[20] « Lorsque l’impudent (Archonte) déroba de la puissance à la Mère, il ignorait que ceux qui sont supérieurs à sa mère sont multitude. Il disait en effet [5] de sa mère qu’elle seule existait. Voyant la foule nombreuse des anges qu’il avait créés, il s’exaltait au dessus d’eux. [10]
« Lorsque la Mère comprit que l’avorton des ténèbres était imparfait parce que son conjoint n’avait pas parlé d’une seule voix avec elle, elle se repentit et
versa [15] d’abondantes larmes.
« [15] Alors la prière de son repentir fut entendue et ses frères intercédèrent en sa faveur. (Alors) l’Esprit Saint invisible fit un signe d’assentiment. [20] Lorsque l’Esprit invisible eut fait un signe d’assentiment, il répandit sur elle un Esprit Saint venu de leur plénitude. Son conjoint descendit vers elle [5] pour redresser
leurs déficiences.
« C’est au moyen de Pronoia que (l’Esprit invisible) donna à cet (Esprit Saint) de redresser les déficiences de (Sophia). Aussi ce ne fut pas dans son propre
éon qu’elle fut placée, mais, [10] à cause de l’ignorance qu’elle avait manifestée, elle est dans le neuvième éon jusqu’à ce qu’elle ait redressé sa déficience.
« Une voix parvint (qui disait) : “ [15] l’Homme existe ainsi que le fils de l’Homme”. Le Premier Archonte Yaldabaôth entendit la voix mais pensait que celle-ci ne
venait pas [20] [d’en haut].
« (Alors) le Père saint (et) parfait, l’Homme primordial se manifesta à eux en (prenant) l’aspect d’un Homme. Le Bienheureux (Barbélô) leur [5] manifesta
l’apparence de celui-ci (l’Homme parfait) et l’archontat entier des sept autorités fit un signe d’assentiment et elles virent dans l’eau la figure de [10] l’image.
« (Les autorités et leurs puissances) se dirent les unes aux autres : “Créons un homme qui soit à l’image de Dieu et à sa ressemblance”.
« (Les autorités) créèrent (leur œuvre) par [15] (une action conjointe d’) elles mêmes et (de) toutes leurs puissances. (Les autorités) modelèrent un modelage
d’après elles-mêmes et chaque puissance créa une âme à partir de sa puissance (propre), l’â[me]. Elle créa cette (âme) d’après l’image qu’elle avait vue,
à l’imitation de celui qui [5] existe depuis le commencement, l’Homme parfait. (Les puissances) dirent : “Nommons-le Adam afin que le nom de celui-ci ainsi
que sa puissance deviennent pour nous lumière”.
« Et les puissances commencèrent [10] à partir de l’intérieur. La première (puissance), Divinité, est une âme d’os ; la deuxième, Souveraineté, une âme de
nerf ; la troisième, [15] , une âme de chair ; la quatrième, Pronoia, une âme de mœlle ainsi que la constitution totale du corps ; la cinquième,
Royauté, une âme de [sang] ; la sixième, Compréhension, une âme de peau ; la septième, Sophia, une âme de cheveux. [5] Et (ces puissances) mirent en
ordre le corps entier.
« Alors leurs anges les assistèrent et créèrent à partir de ce qui avait été précédemment préparé par les autorités comme support [10] de l’âme, l’ordre
d’ajointement des membres. Et le corps entier fut créé, étant assemblé par la foule des anges dont j’ai parlé précédemment.
[15] « Et (ce corps) demeura inactif un long moment car les sept autorités ne purent le mettre debout pas plus que les trois cent soixante anges qui avaient
procédé à l’ajointement.
« Alors la Mère voulut reprendre la puissance qu’elle avait donnée à l’Archonte par impétuosité et sans méchanceté. [5] Elle adressa une supplique au Père
dont la miséricorde est abondante, ainsi qu’aux quatre lumières. Et il envoya, par décision sainte, l’Autogène et [10] les quatre lumières sous l’aspect d’anges
du Premier Archonte.
« Ils le conseillèrent dans le but d’extirper de lui la puissance de la Mère. Ils lui dirent : “ [15] Souffle dans son visage l’Esprit qui est en toi et l’œuvre se mettra
debout !” Et le premier Archonte souffla dans cette (œuvre) un Esprit qui (n’)est (autre que) la Puissance de la Mère, [20] (le faisant passer) de lui dans le corps.
Et celui-ci se mut aussitôt.
« Alors [le reste des] autorités [fut ja]loux (de Yaldabaôth), car c’était d’elles toutes que l’homme était issu, et elles donnèrent à celui-ci [5] les puissances
issues d’elles et il devint (ainsi) possesseur des âmes des sept autorités et de leurs puissances. Sa pensée devint (alors) supérieure [10] à celle de ceux qui
l’avaient créé et à celle du Premier Archonte.
« Mais (Yaldabaôth et ses autorités) comprirent que (l’homme) s’était dépouillé du mal en devenant plus sage qu’eux et qu’il avait accédé [15] à la lumière. Ils le
prirent (alors et) l’entraînèrent vers les régions les plus basses de toute la matière.
« Le bienheureux Père, bienfaiteur miséricordieux, [20] manifesta sa compassion envers cette puissance [de la Mère] qui avait été soustraite à l’Archonte,
afin qu’elle exerce sa domination sur le corps. Il envoya son Esprit [5] bienfaisant et miséricordieux, Épinoia de la lumière, comme aide pour le premier à être
descendu, celui qu’ils avaient appelé Adam. C’est elle qu’(Adam) a nommée [10] « Vie ».
« C’est elle qui travaille à la création entière, peinant avec elle, l’érigeant (pour en faire) son propre temple parfait, [15] et lui ouvrant les yeux au sujet de la
descente de sa déficience en lui enseignant sa remontée.
« Et Épinoia de la lumière se trouva donc cachée en lui de sorte que [20] les archontes ne perçoivent pas (sa présence), mais que notre consœur Sophia qui
est semblable à nous corrige ses déficiences grâce à Épinoia de la lumière.
[5] « L’homme devint lumineux à cause de l’ombre de lumière qui est en lui. Et il devint supérieur à ses créateurs. Et toutes les autorités archontiques firent un
signe d’assentiment [10] voyant que l’homme les surpassait.
« (Les autorités) tinrent conseil avec tout le corps angélique des archontes et le reste de leurs pouvoirs. Alors le souffle [15] et la terre furent mélangés à l’eau
et à la flamme ; ils les assemblèrent au moyen des quatre vents au souffle brûlant, les unissant ensemble. Provoquant une grande confusion ils
introduisirent (l’homme) dans l’ombre de la mort. Ils firent (donc) un autre modelage, une nouvelle fois, mais à partir de terre, [5] d’eau, de feu et de souffle,
c’est-à-dire à partir de matière, de ténèbres, de désir et d’Esprit contrefait.
« Le voilà le lien ! [10] Le voilà le tombeau du modelage du corps dont les voleurs ont revêtu l’homme comme d’un lien matériel, le lien de l’oubli ! Et c’est ainsi
que l’homme est devenu mortel. La voilà la descente primordiale et la séparation [15] primordiale ! Mais l’Ennoia de la lumière préexistante est en lui, éveillant
sa pensée !
« Le Premier Archonte prit (l’homme) et [20] le plaça dans ce paradis, dont il disait qu’il est délices pour lui, mais c’est afin de le tromper, car leur nourriture
est amère, et leur [5] beauté perverse. Leur nourriture est tromperie et leur arbre, impiété. Leur fruit est un poison qui n’apporte pas la guérison et leur
promesse est [10] mort pour lui.
« C’est (en prétendant) qu’il était l’arbre de la vie qu’ils ont planté leur arbre ; (mais) je vous enseignerai que le mystère de leur vie c’est l’Esprit contrefait [15] fait par eux afin de détourner (l’homme) de sorte qu’il ne conçoive pas par la pensée sa plénitude.
« Cet arbre est ainsi fait : sa racine est amère, ses branches sont [20] ombres de mort, son feuillage est haine et tromperie, son huile est onction de
perversité et son fruit désir de [5] la mort. Sa semence ne s’abreuve que d’obscurité. Ceux qui goûtent à cet (arbre), leur lieu de séjour est l’Hadès.
« Quant à l’arbre qu’ils disent être [10] “pour connaître le bien et le mal”, c’est Épinoia de la lumière, celle à propos de qui ils ont fait commandement de ne pas
goûter, c’est-à-dire de [15] ne pas lui obéir. En effet ce commandement a été édicté contre (l’homme) afin qu’il ne regarde pas en haut, vers sa plénitude, et
qu’il ne pense pas qu’il est nu de sa plénitude. Mais c’est Moi qui l’ai redressé pour qu’il mange ! »
Je lui dis :
« Seigneur ! N’est-ce donc pas le serpent qui a instruit l’(homme) ? »
Il rit et dit :
« Le serpent [5] leur a enseigné le désir de procréation, qui est
souillure et corruption, pour que ce (désir) soit utile pour lui-(même).
« Et (le Premier Archonte) sut qu’(Adam) ne lui avait pas obéi parce qu’il était plus intelligent [10] que lui. Aussi désira-t-il reprendre la puissance qui lui avait été
retirée au profit d’(Adam). Et il jeta un égarement sur Adam. »
Je lui dis :
« [15] Seigneur ! qu’est-ce que l’égarement ? » Alors il me dit :
« (Ne l’interprètes) pas comme l’a dit Moïse : “il l’a fait dormir”, mais (comprends) qu’il
voila les perceptions [20] d’(Adam) d’aperception et, en effet, il a parlé par (la bouche du) prophète en disant : “J’appesantirai les oreilles de leur cœur pour
qu’ils [5] ne pensent pas et ne voient pas”.
« Épinoia de la lumière se cacha alors en (Adam) et dans son désir (de la posséder, l’Archonte) voulut l’en faire sortir au moyen de la côte. Mais comme [10] Épinoia de la lumière est un être insaisissable, les ténèbres, bien qu’elles aient poursuivi [sa] lumière, ne purent la saisir.
« (L’Archonte) voulut (alors) amener la puissance hors d’(Adam) en faisant un nouveau modelage [15] (mais) en forme de femme et mit celle-ci debout devant
(Adam). (Cela ne se passa donc) pas comme l’a dit Moïse : “il prit une côte”, (mais) il créa une femme et la plaça auprès de lui.
[20] « À cet instant (Adam) fut dégrisé de l’ivresse des ténèbres, (car) Épinoia de la lumière retira le voile qu’il avait sur le cœur. Aussitôt qu’il connut sa coessence
qui lui ressemble, il dit : [5] “Maintenant tu es un os de mes os et de la chair de ma chair !”
« C’est pourquoi l’homme quittera son Père et sa Mère, s’unira à [10] sa femme et ils deviendront, eux deux, une chair unique, parce que le conjoint de la Mère
sera envoyé pour que soient redressées les déficiences de celle-ci.
« C’est [15] pourquoi Adam la nomma : “mère de tous les vivants”.
« Par (décision de) la Souveraineté d’en haut et par révélation, Épinoia enseigna (à Adam) la connaissance par l’intermédiaire de l’arbre, sous l’aspect
d’un aigle. Elle lui apprit à manger la connaissance, afin qu’ils se souviennent [5] de leur plénitude, car s’était produite dans les deux la chute dans l’ignorance.
« Yaldabaôth comprit qu’ils s’écartaient de lui et il les maudit. [10] Et il ajouta en plus à l’adresse de la femme que son mari la dominerait, sans connaître le
mystère qui s’était produit par [15] décision sainte d’en haut. Mais eux eurent peur de le maudire en révélant son ignorance à ses anges. Et il les jeta hors du
paradis et les revêtit d’épaisses ténèbres.
« Yaldabaôth vit alors la vierge qui se tenait auprès d’Adam. Il fut rempli d’ignorance (et) voulant susciter d’elle une semence, il la souilla et engendra un
premier fils, (et) semblablement [10] un deuxième : Yaoué, face d’ours et Eloïm, face de chat. L’un est juste et l’autre est injuste. Eloïm est le juste et Yaoué [15] l’injuste. Le juste, il l’a établi sur le feu et le souffle ; l’injuste, il l’a établi sur l’eau et la terre. C’est eux que [20] toutes les générations ont nommés Abel et
Caïn.
« Jusqu’à aujourd’hui, l’union matrimoniale (instituée) par le Premier Archonte a duré. [5] Il a semé en Adam un désir de procréation de sorte que, grâce à cette
nature (archontique), ils engendrent à la ressemblance de (Yaoué et Eloïm), à l’instigation de leur Esprit contrefait.
[10] « Quant aux deux archontes, (Yaoué et Eloïm), il les a établis sur les éléments afin qu’ils gouvernent sur le tombeau.
« Ayant connu sa propre essence Adam engendra Seth sur [15] le modèle de la génération qui est en haut dans les éons.
« De la même façon fut envoyé à la Mère son propre Esprit, pour qu’il fasse se lever ceux qui sont de même nature que lui (Seth) (mais sont) dans la
figure de la plénitude, et qu’il les conduise hors de l’oubli et du mal du tombeau.
« Et ceux-ci demeurèrent un temps ainsi, [5] pendant qu’elle œuvre en faveur de la semence afin que, lorsque l’Esprit Saint viendra des grands éons, il les
établisse hors de leur déficience [10] en vue de la restauration de l’Éon pour que cet (éon) soit dans une plénitude sainte et qu’ils ne soient plus déficients. »
Je dis alors :
« Seigneur ! Toutes les âmes [15] seront-elles sauvées dans la lumière pure ? » Il me dit :
« Tu as accédé à (l’)Ennoia de grandes réalités qu’il est
difficile de dévoiler [20] à d’autres qu’à ceux qui appartiennent à cette génération inébranlable.
« Ces (âmes) sur qui l’Esprit de vie descend et en qui il [5] s’unit à la puissance, seront sauvées et deviendront parfaites et seront dignes de monter vers ces
grandes lumières. Là, en effet, elles sont purifiées [10] de tout mal et (libérées) des liens de la perversité puisqu’elles ne se sont appliquées à rien d’autre qu’à
(promouvoir) ce rassemblement incorruptible, se souciant de ce (rassemblement) sans [15] colère, ni jalousie, ni crainte, ni désir, ni rassasiement. Elles
n’étaient affectées par aucune de ces (passions), mais seulement par la condition charnelle 66 pendant qu’elles s’en servent, guettant (le moment) où elles
seront reçues 5
par les receveurs dans la dignité de la vie éternelle et de l’appel, endurant tout, supportant [10] tout pour mener à sa perfection le combat et
hériter de la vie éternelle. »
Je lui [dis] :
« Seigneur ! Qu’advient-il des âmes de ceux qui n’ont pas [fait] cela ? Où se rendront celles [15] (d’entre elles) en qui l’Esprit de vie s’est associé à
la puissance ? Seront-elles sauvées ou non ? »
Il me dit :
« Celles en qui cet Esprit entre, en tout état de cause seront sauvées (car) celles-là fuient le
mal. La puissance [5] entre en effet dans tous les hommes, car sans elle ils ne pourraient tenir debout. C’est après que l’homme soit né que l’Esprit de vie est
amené vers l’Esprit contrefait. [10] Lorsque l’Esprit de vie vient, lui qui est vigoureux, il fortifie l’âme, c’est-à-dire la puissance, et (l’Esprit contrefait) ne l’égare
plus vers la perversité. Mais au contraire celui [15] en qui l’Esprit contrefait descend est attiré par celui-ci et tombe dans l’erreur. »
Je dis alors :
« Seigneur ! Les âmes de ceux-ci, lorsqu’elles sortiront de la chair, où iront-elles ? »
Mais lui, rit et dit :
[5] (Elles se rendent) vers un lieu
(destiné) à l’âme, c’est-à-dire à la puissance qui l’a emporté sur l’Esprit contrefait. Cette (âme) est vigoureuse. Elle fuit les œuvres perverses, [10] et est sauvée
par la visite incorruptible, puis elle accède au repos des éons. »
Je dis alors :
« Seigneur ! Ceux qui n’ont rien connu du tout [15] qu’advient-il de leurs âmes ? Où iront-elles ? »
Il me dit :
« L’Esprit contrefait a pesé sur celles-ci quand elles ont trébuché et, par ce moyen, il accable leur âme, l’oriente vers les œuvres perverses et l’entraîne dans [5] l’oubli. Ainsi, après qu’elles ont
été dénudées du corps, elles sont livrées aux autorités qui relèvent de l’Archonte. Celles-ci les jettent à nouveau dans des liens [10] et elles tournent avec ces
(autorités) jusqu’à ce qu’elles soient délivrées du mal et de l’oubli, et acquièrent la connaissance. Ainsi elles atteignent la perfection et sont sauvées. »
Je dis alors :
« Seigneur ! [15] Comment l’âme peut-elle redevenir petite et retourner dans le sein de la Mère ou dans l’Homme ? »
À ma question, il se réjouit et
dit :
« Tu es bienheureux en vue d’un accompagnement ! Cette âme est en effet remise à un autre (qui appartient) au lieu de l’Esprit de vie. [5] Elle
l’accompagne, lui obéit et est sauvée. Ainsi (ces âmes) ne retournent pas dans une chair à partir de ce moment. »
Je lui dis :
« Seigneur ! ceux qui après avoir accédé à la connaissance [10] s’(en) sont détournés, qu’advient-il de leurs âmes et où sont-elles conduites ? »
Il
me dit :
« Ils iront vers le lieu dans lequel les anges de la pauvreté conduisent ceux [15] pour qui la repentance n’est pas venue (et) ils y seront gardés en vue
du jour où ils seront châtiés. Quiconque a blasphémé l’Esprit Saint sera torturé dans un châtiment éternel. »
Je dis alors :
« Seigneur ! D’où est venu l’Esprit contrefait ? »
[5] Il me dit :
« Lorsque la Mère riche en miséricorde associée à l’Esprit Saint
miséricordieux qui a peiné avec nous, c’est-à-dire à l’Épinoia de la lumière [10] unie à la semence, (cet Esprit) éveilla la pensée des hommes de la génération
de cet Homme parfait, lumière éternelle. [15] Le Premier Archonte comprit alors que ceux (de la semence de Seth) lui étaient devenus supérieurs par
l’éminence de leur sagesse. Il voulut s’accaparer leur conseil, (car), du fait de son ignorance, il ne savait pas que (les membres de ce conseil) étaient plus
sages que lui.
« (Le Premier Archonte) tint (donc) conseil ; il engendra la Fatalité et lia [5] au moyen de mesure, de temps et de moments, dieux des cieux, anges, démons et
hommes, afin que tous soient pris dans le [10] lien de cette (Fatalité) qui règne sur chaque chose ; dessein mauvais et pervers !
« Et (le Premier Archonte) se repentit à propos de ceux qui étaient venus à l’existence par son action. Il tint conseil [15] en vue de provoquer un déluge sur tout
l’édifice humain. Alors la grandeur de Pronoia se souvint, (elle qui s’identifie à) Épinoia de la lumière et elle révéla la chose à Noé qui l’annonça aux
hommes. Mais ils ne le crurent pas.
« Cela ne se passa pas comme Moïse [5] l’a dit : “Ils se cachèrent dans une arche”, mais ils se mirent à l’abri dans un lieu, pas seulement Noé mais aussi
d’autres hommes de la génération inébranlable. [10] Ils allèrent vers un lieu (et) se mirent à l’abri au moyen d’un nuage de lumière.
« Et (Noé) connut la Souveraineté d’en haut (lui) et ceux qui sont avec lui dans [15] la lumière qui avait brillé pour eux parce que les ténèbres s’étaient
répandues sur tout ce qui est sur terre.
« Puis (l’Archonte) tint conseil avec ses anges (et) il envoya ses anges vers les filles des hommes afin qu’ils suscitent d’elles une semence pour [5] leur
satisfaction. Mais ils n’y parvinrent pas la première fois.
« Et n’y étant pas parvenus, ils se réunirent (alors) tous en conseil afin de créer l’Esprit contrefait à l’imitation de [10] l’Esprit qui était descendu. Alors leurs
anges se transformèrent prenant l’apparence des époux de celles-ci afin de les remplir de cet Esprit issu d’eux, [15] (Esprit) plein des ténèbres qui proviennent
de la perversité. Ils leur apportèrent de l’or, de l’argent, des présents, ainsi que les métaux de bronze, de fer et toutes sortes de choses. Ils les
entraînèrent vers des distractions afin qu’elles ne se souviennent plus de leur Pronoia inébranlable.
« Ils les prirent et ils engendrèrent des enfants [5] issus des ténèbres provoquées par leur Esprit contrefait. Et ils fermèrent les cours de ces (enfants) et ils
devinrent durs de la dureté même de l’Esprit contrefait [10] jusqu’à maintenant. En conséquence de cela la Bienheureuse Mère-Père à l’abondante miséricorde,
reçoit forme dans sa semence.
« Je suis (d’abord) monté vers [15] l’Éon parfait, mais je te dis ces choses (maintenant) pour que tu les mettes par écrit et les transmettes à ceux qui partagent
le même Esprit que toi, en secret, car ce mystère [20] est celui de la génération inébranlable. Cette Mère est venue une autre fois avant moi, ce qu’elle a fait
dans le monde c’est restaurer la déficience, [5](mais moi) je vous enseignerai ce qui adviendra !
« Et en effet je t’ai transmis ces choses pour que tu les écrives et qu’elles soient conservées en sécurité. »
Il me dit alors :
[10] « Maudit soit quiconque échangera ces (paroles) contre un présent ou contre de la nourriture ou contre de la boisson, ou contre un
vêtement ou contre autre [15] chose du même genre. »
(Le Seigneur) confia ce mystère à (Jean et) devint aussitôt invisible pour lui. Alors celui-ci vint vers ses condisciples (et) commença à leur dire les
(paroles) qui lui avaient été dites par le [5] Sauveur.
Le Livre des secrets de Jean
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